Je suis née le 29 décembre 1991 aux Lilas en Seine-Saint-Denis. J’ai grandi dans le sud de la Seine-et-Marne à la campagne. Je suis allée au lycée à Fontainebleau, j’ai passé un bac L spécialité musique et section européenne allemande, et lorsque j’avais quinze ans, j’ai participé au programme Voltaire qui est un programme d’échange avec l’Allemagne (OFAJ/DFJW). J’ai passé six mois dans un petit village près de Chemnitz (en RDA, c’était Karl-Marx-Stadt !), en Saxe. Ce séjour m’a beaucoup plu, et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai fait de l’allemand par la suite. J’appréciais le rythme en Allemagne, le fait qu’on aille en cours pendant quelques heures et qu’on aille ensuite faire de la musique au conservatoire. Depuis l’enfance, j’ai fait partie de plusieurs chœurs, et nous chantions souvent un répertoire allemand (de la Renaissance au romantique en passant par le baroque), notamment des Cantates ou des Passions de Bach, des Lieder de Schubert… L’allemand est une langue que j’ai dû savoir chanter avant de la comprendre. Apprendre à bien prononcer une langue étrangère (et avoir du plaisir à le faire !) est donc crucial à mes yeux. Je crois que la prononciation et la matérialité sonore de la langue « étrangère » est un des aspects fondamentaux en langues vivantes étrangères, et en France, on insiste hélas assez peu là-dessus…
Après le baccalauréat, j’ai intégré une classe préparatoire au lycée Henri-IV à Paris. Il était important à mes yeux de conserver toutes les matières littéraires, car je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire après la prépa : de la traduction, de la politique, du journalisme, de l’enseignement, de la musique ? À la fin de mon hypokhâgne, j’ai longuement hésité à choisir ma spécialité en khâgne : langues vivantes étrangères, oui, mais anglais ou allemand ? J’ai finalement choisi l’allemand parce que nous y étions moins nombreux et que cette rareté m’attirait, et mon professeur d’allemand Laurent Férec avait un amour sincère de la langue allemande, une joie communicative du thème rigoureux, de la prononciation claire et précise, du passendes Wort, mais aussi de la littérature allemande (approche systématisée ensuite auprès de Bruno Cazauran : Goethe, Büchner, Heinrich Heine, Kafka, Bobrowski, Volker Braun, Herta Müller…) mais aussi de l’actualité des pays de langue allemande, où nous apprenions, en analysant des articles de presse, à faire le lien entre culture historique, histoire culturelle, et actualité. J’ai regretté d’avoir un peu abandonné la littérature anglaise et deuxième et troisième année de prépa, car nous n’avions plus que des cours de presse anglophone… Mais cet abandon allait être contrebalancé par mon choix ultérieur, 8 ans plus tard, de faire un troisième master de littérature comparée en Irlande. En prépa, je chantais au chœur des germanistes du lycée Henri-IV, fondé par Laurent Férec. Je fais encore partie de la « chor’all » (appréciez le Wortspiel) aujourd’hui : je retourne chanter Bach, Mozart, Schumann ou Schubert au lycée Henri-IV et y retrouve mes anciens professeurs (germanistes et autres) et le chef de chœur, Olivier Bardot.
A 20 ans, après trois ans de prépa (hypokhâgne et deux khâgnes) à Henri-IV, j’ai donc intégré l’Ecole Normale Supérieure de Lyon (section d’études germaniques), où j’ai commencé par faire de la recherche en civilisation allemande, sous la direction d’Anne Lagny. Je travaillais sur la réception de la musique sacrée en RDA. En M1, j’ai rédigé un mémoire en allemand sur la figure de Johann Sebastian Bach en RDA, érigée par le SED en véritable lieu de mémoire. En M2, je suis partie en Erasmus à Dresde, et j’ai étudié la Germanistik à la Technische Universität. J’ai fait mon mémoire de M2 en sur le statut d’interprète de musique sacrée en RDA, à l’exemple du Thomanerchor de Leipzig et du Kreuzchor de Dresde : deux chœurs de garçons (musique sacrée : Schütz, Bach) qui servaient de vitrine culturelle de la RDA à l’étranger, Etat pourtant férocement laïque. L’année suivante, j’ai été assistante de langue dans un Gymnasium à Chemnitz. Ça m’a beaucoup plu et c’est d’ailleurs là que j’ai bel et bien su que je voulais enseigner.
Quand je suis rentrée en France, j’ai d’abord enseigné un an dans un lycée à Lyon, en section européenne allemand dont j’étais moi-même issue, et donné beaucoup de cours particuliers de la primaire au lycée, dans toutes les matières littéraires. Cela m’a beaucoup plus de préparer des élèves à l’épreuve orale du baccalauréat (histoire-géo en allemand) et de travailler à partir de films (Das Leben der Anderen, Das weiße Band…) avec les classes de seconde et première pour aborder l’histoire allemande. L’année suivante, je suis retournée à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon pour y préparer l’agrégation d’allemand, que j’ai obtenue en option civilisation.
Mais je regrettais de ne pas avoir davantage expérimenté la recherche, car j’avais fausse route quant à la discipline : j’avais toujours été davantage attirée par les littératures (& les langues) plus que par la civilisation (& les langues). Comme j’avais obtenu, l’année d’agrégation d’allemand, le C2 des examens Cambridge pour l’anglais, j’ai décidé de partir enseigner à Londres, une ville qui m’avait toujours fascinée pour sa diversité linguistique, architecturale, musicale (je suis férue de musique vocale renaissance et baroque, et Londres comptent plusieurs chœurs de renommée internationale). J’y ai donné des cours de soutien en français, en allemand et en analyse littéraire dans plusieurs établissements privés et publiques de l’ouest de la ville – où j’étais aussi jeune fille au pair, à Chiswick car je ne gagnais pas assez pour pouvoir vivre en colocation, et que j’adore les enfants.
L’année suivante, j’ai décidé d’abandonner la civilisation et les pures études germaniques pour me consacrer à la (re)découverte de la littérature comparée au Trinity College de Dublin. J’avais toujours adoré l’Irlande où je me sentais chez moi, avais lu beaucoup de littérature irlandaise depuis des années, et appris en autonomie, depuis mes dix ans, l’irlandais (gaélique, langue officielle et nationale). J’y ai découvert, auprès de Michael Cronin notamment, les études sur le plurilinguisme en littérature, champ dont j’ignorais totalement l’existence et que j’ai rapidement eu envie d’approfondir en autonomie. Après ça, j’ai su que je voulais faire une thèse et ne pas me consacrer uniquement à l’enseignement, mon désir initial. De par mon statut de normalienne, j’avais la chance de pouvoir tenter, dans de bonnes conditions, l’obtention d’un contrat doctoral (faire une thèse en enseignant à la fac), je suis rentrée en France et je me suis inscrite en thèse d’études germaniques (avec une approche de littérature comparée) à Caen sous la direction d’Eric Leroy du Cardonnoy qui était spécialiste d’Elias Canetti, l’auteur germanophone de mon corpus de thèse (en plus de l’Irlandais Hugo Hamilton et du Français Denis Lachaud). Mes recherches s’intéressent à la dimension générique des language memoirs, l'(auto)biographie langagière spécifiquement littéraire, c’est-à-dire à la place des langues en tant qu’objets littéraires, d’attachement, outils d’écriture et de stylisation dans leur mélange éventuel ou leur seule thématisation.
J’ai donc enseigné à l’université de Caen pendant trois ans, où j’ai eu de tout petits groupes très sympathiques, notamment pour la préparation en linguistique de l’allemand au CAPES, et où l’équipe de recherches en littératures et civilisations étrangères, ERLIS, bénéficie d’un labo junior très actif et soutenu par le directeur de l’équipe, Harri Veivo. L’année suivante, j’ai enseigné l’allemand en Langues Etrangères Appliquées, à l’université Gustave Eiffel à Champs-sur-Marne. C’était très intéressant d’enseigner presque exclusivement à de (quasi) débutants dans la langue, de la leur faire découvrir. Et puis l’année suivante, je suis arrivée à la Sorbonne-Nouvelle. Je suis ravie d’avoir eu cette chance, car les sujets de recherche du CEREG et la variété des cours proposés en licence ou des parcours de master m’avaient toujours semblé parmi les plus intéressants et novateurs en études germaniques en France. Je m’étais donc, pour cette raison, inscrite en parallèle en licence d’études germaniques à la Sorbonne-Nouvelle lorsque j’étais en prépa (même si je n’avais jamais été à un cours à la fac, j’étais dans le fichier almuni par exemple !). Cette année est donc ma première véritable à la Sorbonne-Nouvelle, où j’enseigne la littérature allemande avec une approche de littérature comparée, l’histoire allemande (mon passé de civilisationniste me poursuit). J’ai aussi la chance de préparer des étudiants très motivés aux concours de du CAPES d’allemand (phonologie) et à l’agrégation d’allemand (programme d’histoire des idées).
Pour ce qui est de mes travaux de recherche actuels, j’ai publié en 2024 un ouvrage sur l’enfant plurilingue en littérature avec Marie Gourgues, une collègue doctorante hispaniste avec qui nous avions organisé une journée d’études à Caen en 2021. J’organise également en mars 2024 un séminaire dans le cadre du congrès de l’association américaine de littérature comparée à Montréal au Québec. Je suis contente car j’ai reçu des propositions de chercheurs de partout dans le monde, qui travaillent sur le mélange des langues dans le récit de soi.
En ce qui concerne mes loisirs, je continue de chanter à la chorale des germanistes d’Henri-IV et joue également du piano. J’apprécie également « avoir la société d’un chat » comme dirait la philosophe du langage Barbara Cassin, j’en ai d’ailleurs un certain nombre, et comme j’ai la chance d’habiter en rase campagne, ils peuvent entrer et sortir comme ils le souhaitent.
Enfin, ce qui me plaît à la Sorbonne-Nouvelle c’est de pouvoir associer enseignement et recherche. C’est aussi la première fois qu’on me propose de faire des cours entièrement organisés autour de mes sujets de recherche. Ce que j’aime également, c’est que les collègues parlent de recherche entre eux et ont une attitude positive et ouverte vis-à-vis des nouvelles générations, de nouvelles thématiques qui ne leur sont pas forcément familières. Je trouve aussi que les collègues et étudiants ne se prennent pas trop au sérieux, tout en étant quand même intéressants et curieux. Voilà, je pense que le mot-clé de notre « université des cultures », c’est la curiosité.
AL, MP et IV