Atelier traduction : comment traduire aujourd’hui ?

Vendredi 22 novembre à 15h, durée 2h, salle B223, campus Nation, Sorbonne Nouvelle

Interview de Jennifer Dummer présentant l’intervenante et son atelier dans le cadre du festival Focus Allemagne

Qui êtes-vous et par quel parcours académique et professionnel êtes-vous passée ? 

Je m’appelle Jennifer Dummer, j’ai fait des études de littérature française et comparée à Mayence, Berlin et Montréal. Durant un séjour au Québec en 2008, j’ai découvert la culture québécoise. À mon retour en Europe, je me suis alors penchée sur la littérature québécoise dans mes études et j’ai eu la chance de l’étudier un an à l’université de Montréal – une université partenaire de la Freie Universität Berlin. Après avoir terminé mon master avec un travail sur le rituel dans les romans La maison étrangère et Guyana de l’écrivaine Élise Turcotte, j’ai d’abord fait un stage et ensuite du volontariat dans une agence de presse à Berlin. Suite à cette expérience, j’ai décidé de mettre mes nouvelles connaissances et compétences au profit de ce qui me passionnait : la culture québécoise. J’ai pensé et conçu différents projets : tout d’abord deux blogs – jennismusikbloqc.com et quelesen.com -, j’ai ensuité réalisé avec une collègue une série d‘événements autour de la découverte de la culture québécoise nommée Book and you, et pendant 3 ans, j’ai organisé avec un autre collègue et en collaboration avec le festival de musique Aurores Montréal à Paris, une soirée berlinoise de ce festival. Ces projets m’ont finalement amenée à la traduction en faisant des interviews, de l’animation des événements bilingues, etc. Encouragée par un collègue traducteur, j’ai déposé en 2019 ma candidature pour le Programme Georges-Arthur Goldschmidt avec pour coup de cœur : La bête à sa mère de David Goudreault, et j’ai été acceptée. Cela a été pour moi une période intense et riche. Depuis, j’ai co-traduit et traduit plusieurs livres et je continue de me former et de m’interroger sur le processus de traduction en participant à des ateliers de traduction et des séminaires offerts, entre autres, par la Deutsche Übersetzerfonds [fonds allemand pour les traducteurs].

Parmi mes traductions, je citerai Uiesh. Irgendwo de Joséphine Bacon (KLAK, co-traduction avec Andreas Jandl), Reiz der Rache de J. D. Kurtness (KLAK, co-traduction avec Andreas Jandl), Der Phönix de Marie-Anne Legault (Kommode Verlag), quelques textes poétiques de Sarah-Louise Pelletier-Morin (Hôtel des autrices, co-traduction avec Ina Böhme), quelques poèmes de Maude Veilleux (lyrikline.org) et enfin Das Gehirn und die Musik de Michel Rochon (Kommode Verlag).

En 2023, j’ai reçu le prix d’honneur de la Deutsch-Kanadische Gesellschaft e. V. [société germano-canadienne] et en 2024, une bourse de recherche pour des traductrices et traducteurs de la ville de Berlin.

Avant cet atelier, organisé dans le cadre du festival Focus Allemagne, je n’avais aucun lien avec la Sorbonne Nouvelle. C’est Anne-Isabelle Tremblay de la Bibliothèque Gaston-Miron qui m’a contactée. De plus, il semblerait qu’après le festival Focus je participe à un atelier de traduction bilingue allemand-français, qui est coordonné par Claudia Hamm et Sacha Zilberfarb, qui enseigne la traduction à la Sorbonne Nouvelle.

Pourquoi la traduction comme choix de carrière ? Quels sont les enjeux qui vous intéressent dans celle-ci ?

C’est Kim Thúy qui m’a recommandé La bête à sa mère de David Goudreault, lors d’ une interview que j’ai faite avec elle pour mon blog quélesen. Pour la première fois, j’entendais durant la lecture la voix du protagoniste en allemand. Quand j’ai travaillé sur les romans d’Élise Turcotte, j’ai traduit des extraits parce que je voulais être sûre de bien comprendre ma matière de base. Mais dans le cas de Goudreault, c’était différent. C’est cette sensation qui m’a finalement poussée vers la traduction. Je veux traduire ce qui me plaît, ce qui me parle, ce qui m’offre quelque chose et ce que j’ai envie d’échanger.

Si vous parlez d’autres langues que le français et l’allemand, pouvez-vous préciser quelles langues vous parlez, et nous dire si cette richesse langagière impacte particulièrement votre façon de traduire ? 

Je parle aussi anglais et un poquito español. Je lis beaucoup en français et en allemand mais aussi en anglais. De mon point de vue de traductrice vers l’allemand, c’est aussi intéressant de jeter un œil sur un livre québécois écrit en français et sa traduction en anglais et vice versa.

En quoi consiste votre atelier ? Qu’allons-nous y faire ? 

En 2021 sortait chez l’éditeur KLAK, basé à Berlin, le recueil de poésie de la grande poète innu-québécoise Joséphine Bacon. Mon collègue Andreas Jandl et moi l’avons traduit. Pendant le processus de traduction, nous avons rédigé un journal pour TOLEDO. Nous y avons fait état des questions que nous nous sommes posées durant la traduction et des défis que nous y avons rencontrés. Durant l’atelier, je veux revenir sur des exemples, les remettre dans leur contexte, en discuter avec les participant.e.s. Je vais aussi apporter des exemples d’autres traductions.

Pourquoi le terme « aujourd’hui » est-il utilisé dans le titre ? Quel en est le sous-entendu ? Pensez-vous que les enjeux de la traduction ont évolué au fil du temps, non pas en lien avec les outils numériques, mais d’un point de vue politique et historique ? Pouvez-vous développer ce point ?

Je vais essayer. Chaque domaine a sa tradition, son histoire, son développement. Depuis que je suis traductrice, et cela sans avoir suivi une formation universitaire en traduction – je suis donc une « Quereinsteigerin » (une personne qui a changé de cap, ou peut-être seulement suivi son chemin ? Je pense que cela dépend de la perspective !) –, j’ai observé des changements en ce qui concerne la perception de notre travail et en ce qui concerne les conditions de ce travail. Ce « aujourd’hui » s’actualise. Quand je traduis, j’essaie de traduire dans le contexte actuel, en prenant en considération les débats qui sont menés, même si les réponses n’existent pas encore à la date de rendu de la traduction. J’exerce donc un regard critique sur ma traduction au moment même où je suis en train de la faire.

Pourquoi a-t-on selon vous toujours besoin de traducteurs aujourd’hui, alors même qu’on a aisément accès à des traducteurs automatiques ? 

Je ne m’exprimerai que sur la traduction littéraire car c’est dans ce milieu que j’évolue. Mais je n’ai pas de réponse déjà prête. Cela aussi est quelque chose en développement avec plusieurs positions différentes selon l’angle d’approche. Je pense qu’il faut bien observer et définir les termes utilisés dans ce contexte et faire attention aux intérêts et objectifs des entreprises qui offrent des services de traduction (littéraire). J’aimerais en parler plus en détail durant l’atelier.

Que voulez-vous transmettre aux participants de votre atelier ? Quelles impressions voulez-vous laisser ?

Je voudrais transmettre le plaisir de travailler avec les langues – langue de départ d’un texte littéraire et langue cible. Je veux montrer dans quel contexte une traduction peut se faire, montrer comment on peut trouver des solutions aux défis rencontrés – il y a plusieurs chemins – et créer une conscience de processus de traduction littéraire.

Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui commence à traduire?

Commencer avec des projets qui vous tiennent à cœur. Lire des traductions, des livres – littéraires et théoriques. S’informer s’il y a des programmes qui peuvent vous être utiles. Appliquer, échanger, entrer en contact avec le milieu – visiter des foires du livre, des événements littéraires. Se familiariser avec le milieu (les politiques, les pratiques, les habitudes, etc.) et se poser la question de ce qu’on est prêt.e à faire ou à ne pas faire pour faire ce travail.

CC