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Grandes interviews

Grande Interview – Rencontre avec Corine Pelluchon

Corine Pelluchon, professeure de philosophie politique et d’éthique appliquée à l’université Gustave Eiffel, a accepté un échange avec nous de propos autour de son livre Les Nourritures – Philosophie du corps politique. Elle a reçu le prix Günther Anders de la pensée critique en 2020 et a été promue au rang de Chevalière de la Légion d’Honneur en 2021. On retrouve son énergie dans tous ses ouvrages, lesquels témoignent de sa passion pour les sujets qui la poussent à écrire. Ses œuvres reflètent une personne ayant une expérience riche et une sensibilité très grande. Après une quinzaine de livres qui témoignent d’une grande cohérence, elle vient de passer deux ans en Allemagne. Pour elle, partir à l’étranger permet de parler d’autres langues, de découvrir d’autres cultures et de prendre un peu de distance par rapport à son pays et à soi-même. Corine Pelluchon a acquis une certaine légitimité et ses ouvrages sont traduits dans plusieurs langues. Elle a conduit un travail de terrain pendant plusieurs années sur la fin de vie et l’éthique médicale, mais aussi auprès de nombreux acteurs impliqués dans le domaine de l’alimentation, de l’agriculture et de l’élevage, et a été auditionnée une vingtaine de fois par des représentants politiques pour des questions de société liées à la bioéthique, au rapport aux animaux et à l’écologie. Elle alterne des ouvrages de fond et des ouvrages destinés à un plus grand public et donne régulièrement des conférences en France et à l’étranger.

Être une philosophe

Nous avons débuté l’échange autour du fait d’être une philosophe aujourd’hui dans notre société. Comment le devenons-nous ? On voit que, pour elle, faire de la philosophie permet de poser des problèmes et de proposer sinon des réponses, du moins des pistes de réflexion aidant à affronter les défis actuels. L’origine de la philosophie est l’inquiétude. Celle-ci l’a conduite à philosopher sur la fragilité de la démocratie, sur la destruction de l’environnement et l’érosion de la biodiversité et sur les problèmes éthiques, politiques et existentiels associées à notre habitation de la Terre et à nos rapports aux animaux. Corine Pelluchon s’inscrit dans une longue lignée de philosophes.  En entretien tout comme dans ses livres, elle évoque ses prédécesseurs, notamment le philosophe Emmanuel Levinas. Ses travaux s’inscrivent aussi dans le sillage des Lumières, mais elle aborde ces dernières de manière critique, comme on le voit dans son livre Les Lumières à l’âge du vivant (Seuil, 2021) mais aussi dans sa thèse sur Leo Strauss (Leo Strauss, une autre raison, d’autres Lumières, Vrin, 2005).  Leo Strauss est un philosophe juif allemand qui assiste à l’effondrement de la République de Weimar et à la montée du nazisme et conduit une critique de la modernité en soulignant la nécessité, pour contrer la déshumanisation et résister au retournement de la démocratie contre elle-même, d’une éducation philosophique et morale exigeante. Cette interrogation demeure un fil directeur pour Corine Pelluchon. Cependant, juste après sa thèse, elle part un an aux USA et s’oriente vers les problèmes liés aux pratiques médicales, aux biotechnologies ainsi qu’à nos rapports aux animaux et à la nature.  Autant de questions qui supposent d’examiner à nouveaux frais la manière dont nous pensons l’humain et de s’interroger sur les conditions permettant d’y répondre de manière démocratique. Selon elle, le rapport aux animaux est important en lui-même et il a aussi une dimension stratégique, révélant ce que nous sommes devenus ou ce que notre modèle de développement a fait de nous : la maltraitance animale, qui est, à ses yeux, une figure du mal, pointe les dysfonctionnements et les contradictions de notre société et souligne la violence extrême que nous acceptons d’infliger à d’autres êtres sensibles. Ainsi, la philosophie aide à concevoir des pistes de réflexion pour renouveler la compréhension que nous avons de nous-mêmes et de notre condition, que Corine Pelluchon pense en insistant sur notre vulnérabilité et notre dépendance à l’égard des éléments, des écosystèmes et des autres vivants. Il importe également de prendre conscience à la fois des obstacles au changement social et des leviers pouvant nous amener à opérer la transition écologique et solidaire qui est nécessaire pour éviter l’effondrement.

Nous avons continué l’échange autour de son ouvrage Les Nourritures publié aux éditions du Seuil en 2015 puis une nouvelle fois publié en format de poche en 2020. Il s’agit d’un livre solaire, porté par une certaine énergie. Les Nourritures est un ouvrage apportant des pistes de réflexion fondamentales pour penser la condition terrestre de l’humain et faire entrer l’écologie et la justice envers les animaux dans la démocratie. L’écologie est articulée à une philosophie de l’existence qui prend comme point de départ notre besoin de manger, le fait que « vivre » est toujours « vivre de » et « vivre avec ». La citation suivante illustre cette idée : « Manger est un acte économique, moral et politique. » Trois ans plus tard, elle publie Éthique de la considération (Seuil, 2018) qui est la suite des Nourritures : l’auteure, après avoir montré les implications éthiques et politiques de sa philosophie du « vivre de » et des nourritures, s’interroge sur les motivations concrètes qui poussent les individus à agir. Elle se demande quelle transformation de soi peut réduire le décalage entre la théorie et la pratique, la pensée et l’action, qui est l’un des défis majeurs, de nos jours, puisque cette prise de conscience, bien que beaucoup reconnaissent la réalité et la gravité du réchauffement climatique et admettent l’importance du bien-être animal, n’est pas suivie de changements réels dans les styles de vie et les modes de production.

Comment arriver à motiver les individus afin qu’ils aient un désir de changer ?

Éthique de la considération s’interroge sur les manières d’être des personnes et sur le lien entre représentations, valeurs ou évaluations, émotions et comportement qui pourraient nous permettre d’être plus sobres, d’avoir du plaisir à changer nos styles de vie et à répondre aux défis actuels de manière démocratique. Pour Corine Pelluchon, la considération renvoie à un processus de transformation de soi qui conduit le sujet à reconnaître son appartenance au monde commun, qui est lié aux générations passées, présentes et futures et au patrimoine naturel et culturel et forme une transcendance dans l’immanence. Cette prise de conscience, qui est en réalité une expérience qu’elle appelle transdescendance, s’effectue en approfondissant la connaissance de soi comme être charnel, vulnérable et engendré, et modifie en profondeur le sujet. Ses aspirations et ses affects changent. Percevant l’épanouissement des autres vivants comme une composante de son propre épanouissement, il n’a plus envie de les dominer. La considération, qui est le contraire de la domination, implique que l’on ait comme horizon de ses pensées et de ses actions le désir de transmettre un monde habitable. 

Dans Les Nourritures, Corine Pelluchon pense l’écologie comme la sagesse de notre habitation de la Terre qui est toujours une cohabitation avec les autres, humains et autres qu’humains. L’écologie possède donc une dimension sociale, liée au partage des nourritures et à la manière dont nous cohabitons. Elle a aussi une dimension existentielle associée à la manière dont nous nous comprenons, ce qui est inséparable, de nos jours, d’une réflexion sur le caractère destructeur de nos modes de production et sur les souffrances que nous infligeons aux animaux. La philosophie offre des concepts et un questionnement complexe qui ressort de l’écologie politique, même si ce travail se distingue du militantisme et de ce que font les partis politiques.

Dans Les Nourritures, l’auteure insiste sur l’essence généreuse du monde. En effet, les aliments ne sont pas des objets de représentation et leur saveur est plus riche que ce que nous pouvons décrire par le concept. De plus, nous ne mangeons pas seulement pour satisfaire nos besoins, mais, en mangeant, il y a une dimension de plaisir, une manière de savourer les aliments qui illustre cet excédent du sentir.  « La vie est aimée et est elle-même sa propre fin », écrit-elle en citant Levinas. Il importe de tenir compte de ce que révèle le plaisir attaché aux choses sensibles, leur richesse, leur excédent qui va au-delà du besoin et fait la grâce de la vie. Ainsi, Corine Pelluchon écrit : « En insistant sur le plaisir attaché au fait de vivre et en associant la justice à la convivialité, cette philosophie promeut un humanisme de partage, selon lequel mon bonheur ne dépend pas seulement de ce que je possède et m’approprie, mais également de la place que j’accorde aux autres êtres humains et non humains, ainsi que de la transmission d’un monde commun » (Les Nourritures, p. 328).

Manger comme acte social total : « Vivre de … »

Manger renvoie à l’oralité. En effet, cet acte est une incorporation, puisque quelque chose d’extérieur vient à l’intérieur de soi. Les troubles de l’alimentation sont aussi des troubles d’oralité, au sens où il y a un refus d’incorporer ou à l’inverse une volonté de se remplir en se jetant sur la nourriture. Ainsi, l’existence n’est pas seulement à penser à la lumière du projet, mais il importe d’insister aussi sur sa dimension de réceptivité. Cette porosité entre moi et le monde renvoie à une philosophie du sentir qui met au jour notre être-avec-le-monde-et-les-autres. Le fait de manger est un fait social total, à la fois biologique et culturel, intime et culturel, voire symbolique, et il a une signification éthique et politique sur laquelle l’auteure des Nourritures insiste plus particulièrement. Afin d’expliciter son propos, elle écrit :« Manger est un dire (…) Quand je mange, je dis la place que j’accorde aux autres, humains et autres qu’humains, au sein de mon existence (…) Je dis si j’assigne des limites à mon bon droit au nom du droit des autres à exister (…). Je montre si je suis prête à faire couler le sang des bêtes, à tolérer le gavage des oies, pour un plaisir substituable ».  Plutarque exprimait l’idée que l’alimentation carnée n’est ni naturelle ni nécessaire et que la violence imposée aux animaux est injuste et disproportionnée. Enfin, la faim ou la malnutrition ne sont pas liées essentiellement à des pénuries, mais à des problèmes de justice, de spéculation, d’accès à la nourriture disponible.

Propositions liées à l’ouvrage

La protection de la biosphère, la justice envers les autres, humains et autres qu’humains, et la préservation de la biodiversité sont entrées dans la politique, mais les changements menant à des transformations dans les modes de production et de consommation et sur le plan des structures sociales et économiques sont difficiles à effectuer. La pesanteur des habitudes et surtout les intérêts économiques constituent des obstacles. De manière générale, même quand l’humain sait quel est son bien, il ne le fait pas forcément. Comme Hobbes l’a montré, les hommes ne veulent pas forcément aujourd’hui ce qu’ils ont voulu hier. Ainsi, si la protection de la biosphère est une condition de notre existence et s’impose comme un nouveau devoir de l’État, il importe d’en faire une norme, de revenir pour cette raison à l’idée du contrat social. La deuxième partie des Nourritures présente ainsi un nouveau contrat social. Ce dernier ajoute aux finalités classiques du politique, c’est-à-dire à la coexistence des libertés et à la réduction des inégalités, la protection de la biosphère, la justice envers les générations futures et les autres espèces, le bien-être animal et la convivialité, le fait que vivre n’est pas seulement survivre, mais avoir du plaisir à vivre.  Dans ses autres ouvrages, Corine Pelluchon s’interroge sur les conditions permettant concrètement d’arriver à des améliorations de la condition animale dans une démocratie pluraliste, où les individus n’ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes représentations (Manifeste animaliste. Politiser la cause animale, Alma, 2017 et Rivages, 2021). Elle s’interroge aussi sur les moteurs du changement social et sur les conditions faisant de la transition écologique un projet d’émancipation et une chance, et pas seulement un fardeau (Les Lumières à l’âge du vivant).

Parler d’espérance aujourd’hui, est-ce possible ?

Parfois, un sentiment d’impuissance face à la situation climatique et politique actuelle se fait sentir. On parle d’éco-anxiété pour traduire les émotions liées à ce sentiment de ne pas voir l’avenir, d’avoir l’impression que le pire se produira et que personne ne réagira à temps. Le risque est alors de se laisser submerger par des émotions négatives. Pourtant, l’origine de d’éco-anxiété est le désir que l’humanité soit à la hauteur des défis actuels, comme l’a montré l’auteure dans L’espérance, ou la traversée de l’impossible (Rivages, 2023). Cette noble origine (l’amour du monde et la peur pour lui) doit être soulignée ainsi que le fait que les éco-anxieux refusent le déni. Ce sont des sentinelles, pas seulement parce qu’ils avertissent des dangers, mais parce qu’ils témoignent du fait que la situation actuelle exige une remise en question profonde de nos schémas de pensée. Pour ne pas s’effondrer intérieurement, il est cependant important de s’entourer et de partager ses émotions, afin de ne pas seulement regarder ce qui ne va pas, mais d’être aussi attentif à celles et ceux qui agissent, font des choses utiles, et mettent ainsi en œuvre les idées exprimées dans Les Nourritures.

Le livre Les Nourritures est une plongée dans la pensée riche, construite et exigeante de Corine Pelluchon. Nous concluons notre échange avec une citation extraite de son ouvrage Réparons le monde. Humains, animaux, nature (Rivages, 2020) : « La prise en compte de la dimension écologique doit faire partie de toute réflexion sur la condition humaine ».

Interview : PAL et ETR

Texte : ETR

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Qui suis-je ?

 “Qui suis-je ?” 

 Je suis née le 29 décembre 1991 aux Lilas en Seine-Saint-Denis. J’ai grandi dans le sud de la Seine-et-Marne à la campagne. 

 Je suis allée  au lycée  à  Fontainebleau,  j’ai  fait  beaucoup  de  musique  et  lorsque  j’avais  quinze  ans,  j’ai  participé  au  programme  Voltaire  qui  est  un  programme  d’échange  avec  l’Allemagne.  J’ai  passé  six  mois  à  Chemnitz,  en  Saxe.  Ce  séjour  m’a  beaucoup  plu,  et  c’est  une  des  raisons  pour  lesquelles  j’ai  fait  de  l’allemand  par  la  suite.  J’aimais  bien  le  rythme  en  Allemagne,  le  fait  qu’on  aille  en  cours  pendant  quelques  heures  et que  l’on  aille après pratiquer  la  musique  au  conservatoire.  Au  lycée,  je  participais  aussi  au  chœur  des  germanistes,  donc  nous  chantions  en  allemand.  C’est  une  langue  que  j’ai  chantée  avant même de  la  comprendre.  C’est  pourquoi  apprendre  à  bien  prononcer  est  important  à  mes  yeux.  Je  crois  que  c’est  un des aspects les plus importants en langues vivantes étrangères, et l’on insiste assez peu là-dessus. 

Après le lycée, j’ai une classe préparatoire littéraire au lycée Henri IV à Paris. C’était important pour moi de conserver toutes les matières littéraires, car je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. À la fin de mon hypokhâgne, j’ai longuement hésité à choisir ma spécialité entre l’anglais et l’allemand. J’ai finalement choisi l’allemand, tout simplement parce que j’adorais le professeur d’allemand. J’ai ensuite intégré l’ENS de Lyon à l’issue de ma prépa, où j’ai commencé par faire de la recherche sur la musique. Puis, en master, j’ai commencé à travailler sur la réception de la musique sacrée en RDA et sur la figure de Bach. En M2, je suis partie en Erasmus à Dresde. J’ai fait mon mémoire sur le « Thomanerchor » de Leipzig et le « Kreuzchor » de Dresde ; ce sont deux chœurs d’enfants. Par la suite, j’ai été assistante de langue dans un lycée à Chemnitz.  Cette expérience m’a beaucoup plu et c’est d’ailleurs là que j’ai décidé que je voulais enseigner. 

Quand je suis rentrée en France, j’ai préparé l’agrégation d’allemand. L’anglais étant tout aussi important pour moi, j’ai décidé de prendre deux années sabbatiques pour être jeune fille au pair à Londres. J’ai également suivi un master de littérature comparée au « Trinity  College » à Dublin. Après ça, je suis revenue en France et je me suis inscrite en thèse à Caen. Dans mon sujet de recherche, je me suis intéressée à la biographie langagière, c’est-à-dire la place des langues en tant qu’objet littéraire affectif, autrement dit selon son itinéraire personnel.

Je me suis ensuite retrouvée à enseigner à l’université de Caen pendant trois ans.  L’année suivante, j’ai enseigné à des grands débutants en allemand à l’université Gustave Eiffel à Champs-sur-Marne. Et puis l’année d’après, je suis arrivée à la Sorbonne Nouvelle. C’est donc la première année où j’enseigne la littérature allemande et la littérature comparée dans cette université. Je me prépare en même temps au CAPES et à l’agrégation. 

Pour ce qui est de mes travaux de recherche actuels, j’ai publié un ouvrage sur l’enfant plurilingue en littérature. J’organise également un séminaire dans le cadre du congrès de l’association américaine de littérature comparée à Montréal au Québec. Je suis contente car j’ai reçu des propositions de chercheurs du monde entier qui travaillent sur le mélange des langues dans le récit de soi. 

En ce qui concerne mes loisirs, je continue de chanter à la chorale. Sinon, je joue du piano et je suis engagée dans des associations dans le domaine de la protection de l’enfance car ce sujet me tient à cœur. J’adore les chats, j’en ai beaucoup, et comme j’ai la chance d’habiter à la campagne, ils peuvent entrer et sortir de chez moi comme ils le souhaitent. 

Enfin, ce qui me plaît à la Sorbonne Nouvelle, c’est de pouvoir mêler l’enseignement et la recherche. C’est aussi la première fois qu’on me propose de faire des cours sur mes sujets de recherche. Ce que j’apprécie également, c’est que les collègues parlent de recherche entre eux. Je trouve d’ailleurs qu’ici les gens ne se prennent pas trop au sérieux, tout en se montrant quand même très intéressés et curieux. Voilà, je pense que le mot-clé, c’est la curiosité. En matière de recherche, c’est très novateur et il y a une dimension internationale très importante également. 

Annika LENK, Maxime PHELEP, Ismaël VELMIR

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Lettre de…

Rubrique : Lettre de… 

Hallo zusammen! 

Je m’appelle Martin, et j’ai une grande passion… l’Allemagne ! 

Après avoir étudié pendant trois ans pour obtenir ma licence en études interculturelles franco-allemandes à Paris 3, j’ai décidé de m’installer définitivement en Allemagne, à Brême, où je vis depuis sept mois. Lorsque j’ai commencé à étudier l’allemand, je n’avais pas « seulement » l’objectif d’apprendre quelque chose de nouveau, mais je voulais vraiment que cela devienne la nouvelle langue de ma vie quotidienne, et c’est ce qui s’est passé. 

Tout a commencé il y a deux ans, lorsque j’ai passé toute ma L2 à Berlin, qui est une grande ville dispersée, alors que Brême (qui ressemble quand même à Berlin) est plus à l’échelle humaine, tout en restant vaste et pleine d’activités intéressantes à faire… Un bon compromis ! Trouver un logement ici n’a pas été facile, mais heureusement mon copain y habitait déjà et cela m’a beaucoup aidé, sans oublier une bonne dose de patience et une grande volonté. 

L’expérience à Berlin a été intéressante et enrichissante, mais malheureusement c’était l’année du Covid et par conséquent nous sommes très peu allés à l’université : au début nous n’avions que 15 heures en présentiel par semaine (ce qui était déjà irrégulier), et à partir de janvier nous sommes passés à 100 % en distanciel. De plus, trouver un logement à Berlin est très complexe, et je me suis retrouvé à Studentendörf, une résidence universitaire inconfortable et éloignée du centre, ce qui a rendu plus difficile de faire de nouvelles connaissances et découvrir la ville. 

L’université en Allemagne est très différente de celle en France : tout d’abord, tous les domaines sont sur le même campus, il est donc immense et il faut beaucoup marcher pour trouver les salles de cours, en essayant de ne pas se perdre ! Mais cela permet de faire du sport en même temps, et on a aussi la possibilité de suivre un cours sans être obligés d’y assister et de passer des examens, mais juste pour le plaisir. L’université est pleine d’espaces verts et de détente, et d’espaces encore plus immenses où l’on peut s’arrêter pour étudier ou discuter. Quant aux cours, il était difficile de les suivre en allemand, surtout le cours de droit ; il y a à la fois des cours magistraux avec un grand nombre d’étudiants et des TD ; nous étions 400 dans le cours de droit, mais sinon nous n’étions pas nombreux dans mon département. En plus des cours, bien sûr, les examens étaient aussi principalement à distance, sauf si les professeurs demandaient des DM ; les passer dans ce mode était compliqué et stressant : les professeurs nous demandaient d’utiliser des serveurs spéciaux pour ne pas tricher, et en plus il y avait souvent des problèmes de connexion. Une autre différence avec la France est la relation entre les professeurs et les étudiants : il y a plus de distance et de « froideur », et si quelqu’un a besoin d’aide, il doit demander, on ne l’accompagne pas forcément. 

Et maintenant ? Qu’est-ce que je fais dans la vie ? Je travaille dans un restaurant à chats, pour m’introduire dans le secteur qui me fait rêver. Un jour, j’aimerais ouvrir mon propre salon de thé, unique et original, animé par de nombreux chats et enrichi de nombreux livres ; mais pas seulement : ce serait une pâtisserie française typique ici en Allemagne. 

Après ma licence de langues, j’ai réalisé ma passion et j’ai suivi une formation dans le secteur culinaire. D’ailleurs, parmi les différences culturelles qui m’ont le plus frappé entre la France et l’Allemagne, il y avait justement celles liées à la nourriture : j’ai l’impression que les Français mangent davantage pour le plaisir et le goût, alors que les Allemands ont tendance à privilégier ce qui est beau, comme les fruits et les légumes, qui sont pourtant souvent sans goût. 

Autres différences ? Les Allemands sont beaucoup plus ouverts et moins railleurs, ici il y a peu de manifestations et la vie est plus calme. En revanche, certains sujets sont tabous, comme le nazisme et la Seconde Guerre mondiale ; les événements liés à cette période historique rendent les Allemands plus pudiques sur leur histoire, alors que les Français en sont très fiers.

Ma vie est ici maintenant, et c’est ici que j’imagine mon avenir personnel et professionnel ; avoir l’opportunité de vivre et de connaître deux pays, deux langues et deux cultures très différentes, bien que proches géographiquement, est une expérience stimulante et enrichissante, que je recommande vivement à tous ceux qui en ont l’envie et la volonté. 

A bientôt, peut-être dans mon salon de thé avec les chats ! 

Viele Grüße aus Bremen! 

                                                                                – Martin 

CAM

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Livre

« Les politiques linguistiques et la langue de la politique : l’allemand et le kiswahili dans l’Afrique Orientale Allemande, 1885-1918. », Kyra Levine.

Thèse dirigée par le Prof. Dr. Andreas Eckert (Humbold-Universität zu Berlin) et la Prof. Fr. Céline Trautmann-Waller (Université Sorbonne Nouvelle). Soutenue le 7 décembre 2015 par Kyra Levine.

Dans sa thèse en Histoire soutenue en 2015 à l’Université Sorbonne Nouvelle, Kyra Levine s’attelle à un sujet passionnant mais largement méconnu : le choix du kiswahili comme langue administrative et d’instruction dans l’Afrique Orientale Allemande (Deutsch Ostafrika). 

Le kiswahili est la langue africaine la plus enseignée dans le monde, langue véhiculaire en Afrique de l’Est, langue de travail de l’Union africaine. C’est une langue bantoue dont les locuteurs se concentrent en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie, à l’île de Zanzibar et aux Comores, sans oublier au Rwanda, au Burundi, en Somalie, en Zambie et en Afrique du Sud. Née du brassage des populations littorales commerçant avec le golfe arabo-persique et l’Inde, son extension a été favorisée par plusieurs facteurs. D’une part, la traite des esclaves a fait du kiswahili la langue des négriers se déplaçant entre la côte et les terres, contribuant à sa diffusion. D’autre part, les Etats nouvellement indépendants de la Tanzanie (1961) et du Kenya (1963) ont voulu concurrencer l’anglais et construire une nation autour de leur langue propre et prestigieuse, le kiswahili.

L’expansion de l’aire linguistique swahilie tient également aux politiques linguistiques de l’administration coloniale allemande de la région. Les colonies allemandes sont nées d’initiatives d’individus portés par le projet de créer des colonies de peuplement allemandes ; ils craignaient en effet que les nombreux Allemands émigrant vers le continent américain perdent leur « germanité »  en s’assimilant à la culture de leur pays d’accueil. Otto von Bismarck, chancelier du Deuxième Reich entre 1871 et 1890, cerveau de la politique intérieure et étrangère du nouvel Etat, dut néanmoins composer avec les lobbys en faveur de la colonisation, menés par des personnages excentriques, comme Carl Peters. Le chancelier ne souhaitait initialement pas créer des colonies outre-mer, car elles seraient un poids économique considérable pour une Allemagne qui s’industrialisait lentement et une source de tensions probable avec la Grande-Bretagne, qui voulait contrôler l’Afrique du Caire au Cap. Carl Peters, aventurier et membre d’un club prônant la création de colonies de peuplement, alla néanmoins de l’avant : il fit signer dès 1884 des contrats de cession de territoire à des chefs de la côte au nom du gouvernement allemand et mit Bismarck devant le fait accompli. Celui-ci voulut brider Peters et mit les nouveaux territoires allemands sous le contrôle de la Deutsch-Ostafrikanische Gesellschaft, la Compagnie de l’Afrique Orientale Allemande, créée à l’occasion en 1887. Un soulèvement d’ampleur l’année suivante entraîna la prise en main de la colonie par le gouvernement allemand, qui envoya alors des administrateurs sur place. L’administration coloniale dans toutes les colonies allemandes se caractérisa par une forte autonomie locale, due à une décentralisation et à l’absence de politique globale impulsées par Berlin. Ainsi, tandis que le général Lothar von Trotha, qui faisait face à des résistances de la part des populations des Hereros et des Namas dans la colonie Deutsch Südwestafrika (l’actuelle Namibie), ordonna l’extermination de ces peuples (1904-1908), le gouverneur de Samoa entre 1900 et 1912, Wilhelm Solf adopta les coutumes locales de l’île. La marge de manœuvre des gouvernants locaux était donc grande.

La politique linguistique des autorités locales en Afrique orientale allemande peut paraître surprenante aux lecteurs et lectrices contemporaines : là où les empires coloniaux français et britannique privilégiaient la langue métropolitaine dans l’administration de leurs colonies et l’instruction des colonisés, le choix des gouverneurs allemands de la Deustch Ostafrika se porta sur le kiswahili. Ils étaient en effet démunis face à la multiplicité des langues parlées en Afrique de l’Est, et ils considéraient le kiswahili comme la langue d’une civilisation plus « avancée » que ses voisines, en raison de son cosmopolitisme et ses productions littéraires. Un nationalisme sous-jacent est aussi à l’œuvre dans cette stratégie, puisque les colons gardaient le monopole de la langue allemande, contribuant ainsi à les séparer clairement des colonisés, car certains Allemands craignaient une Verkafferung, une dégénération de la soi-disant pureté allemande au contact des populations indigènes. Enfin, les Allemands ne prétendaient pas être porteur d’une quelconque « mission civilisatrice » qui imprégnait le discours colonial français ; leur but était d’exploiter le plus efficacement possible la main-d’œuvre locale, en s’assurant qu’ils connaissaient tous la même langue. 

Cette politique linguistique n’alla pas sans susciter de résistances de la part de missionnaires préférant l’enseignement des langues tribales, moins « islamisées » que le kiswahili, et de patriotes enthousiastes. Elle fut aussi un outil dont les colonisés tirèrent profit. En effet, le système éducatif en kiswahili favorisa la création d’une classe moyenne et d’une bourgeoisie africaine éduquées, dont la conscience nationale se développa progressivement et joua un rôle clé dans la création du nouveaux Etats-nations. 

En effet, après sa défaite lors de la Première Guerre Mondiale, l’Allemagne dut céder ses colonies à ses vainqueurs : la Deustch Ostafrika fut divisée entre les Belges, qui s’emparèrent du Rwanda-Urundi, le Portugal, qui obtint la région du Kionga, et les Britanniques, qui reçurent le reste qu’ils baptisèrent Tanganyika ; l’archipel de Zanzibar obtint le statut de protectorat, soit le maintien du gouvernement local, combiné à la mainmise britannique sur la politique étrangère et militaire. Le Tanganyika obtint son indépendance en 1961, le Zanzibar s’émancipa en 1963 de la tutelle britannique ; en 1964, les deux nouveaux Etats, ainsi que leurs noms, fusionnèrent pour former la Tanzanie. Le premier président tanzanien Julius Nyerere, au pouvoir entre 1964 et 1985, s’appuya tout particulièrement sur le kiswahili pour consolider ce nouvel Etat-nation, dont le modèle théorique suppose une cohésion de ses citoyens autour d’une identité commune. 

La thèse de Kyra Levine a le mérite de mettre en en lumière un pan méconnu de l’histoire coloniale allemande et de l’histoire du kiswahili. Car la période 1885-1918 est charnière pour comprendre le temps de la décolonisation et l’instauration d’Etats-nations dans la région Est-Africaine. En outre, l’histoire coloniale allemande amène à s’interroger sur les formes prises par le colonialisme allemand. La redécouverte du génocide des Herero et des Namas entraîna une réflexion sur les violences d’Etat perpétrées à large échelle, répétées avec l’Holocauste. En outre, les entreprises coloniales allemandes extra-européennes ne doivent pas faire oublier que l’Allemagne était un empire continental bien avant de s’aventurer outre-mer, que ce soit sous la forme du Saint-Empire-Romain Germanique, dissous en 1806, ou du Deuxième Reich (1871-1918). L’aspiration à l’expansion allemande, dans des buts de puissance, de prospérité ou de sécurité, visait autant les territoires d’Europe centrale que l’outre-mer. La Weltpolitik, soit l’acquisition de colonies extra-européennes grâce à une puissante force navale, et la Ostpolitik, soit la perception que la région de Mitteleuropa était l’espace impérial allemand, étaient donc intimement liées.

Kyra Levine procède de manière progressive et rigoureuse. Après avoir mis en contexte le colonialisme allemand, elle s’interroge sur l’usage imposé du kiswahili dans l’administration et dans l’éducation. Elle se tourne ensuite vers l’usage qu’en ont fait les colonisés. Enfin, elle fait le point sur les conséquences de l’emploi généralisé du kiswahili dans la période suivant la domination allemande. Pour ce faire, elle a minutieusement épluché de nombreuses archives à Berlin et à Dar es Salaam, des sources qui émanaient notamment de l’administration de la colonie d’Afrique orientale allemande : des décrets administratifs, des lois, des mémorandums, des transcriptions de réunions, des programmes éducatifs. Elle s’est heurtée à la multiplicité et l’autonomie des autorités allemandes, édictant des décrets ponctuels au gré des circonstances, rendant difficile de donner une vue d’ensemble de la situation. Elle parvient néanmoins à mettre en lumière, de manière synthétique et claire, les politiques linguistiques à l’œuvre dans l’Afrique orientale allemande, leurs enjeux, et leur portée.

THG

Sources iconographiques

  • https://www.axl.cefan.ulaval.ca/monde/swahili.htm
  • https://de.wikipedia.org/w/index.php?curid=5967467 
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Rencontre au Stammtisch 

Le mardi 17 octobre, une des deux élèves responsables de la rubrique « Sur le Vif » est allée à la rencontre des étudiants de licence, master et préparant l’agrégation en études germaniques, mais aussi venus d’autres départements (notamment via le théâtre franco-allemand). Ils se sont retrouvés à l’Avenue Café, au 19 avenue Philippe Auguste dans le 11ème arrondissement pour un certain évènement : le Stammtisch, organisé par Jonas Meir et Helene Schreilechner (professeurs pour 5 ans par le Deutscher Akademischer Austauschdienst). Le Stammtisch, c’est ce concept germanophone qui se concrétise par la rencontre d’étudiants autour d’un verre et dans le cas présent, de conversations en allemand et en français. Cette initiative, dans un bar assez spacieux, aux prix raisonnables et cette soirée-là très rempli, comble le souhait de certains étudiants de se rencontrer et est à la base une initiative de l’association Pierre-Berteaux. On peut choisir de venir pour de multiples raisons : rencontrer d’autres étudiants du département, qui s’intéressent à l’Allemagne, socialiser (car en cours on peut manquer de contact), ou encore parler allemand. Cela reste une bonne occasion si on ne prend pas l’initiative au quotidien.

MAP

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Le théâtre franco-allemand

Le département d’études germaniques propose un cours de théâtre franco-allemand auquel les étudiant·e·s peuvent participer en UE libre (avec une note) ou bien en loisir, rien que pour le plaisir et pour pratiquer l’allemand à l’oral. Cette année, les cours de théâtre sont organisés par Jonas Meir et Helene Schreilechner.

Une étudiante inscrite au théâtre et qui va régulièrement à cet atelier a eu la gentillesse de raconter son expérience, ce qui nous permet de vous présenter une séance-type de théâtre franco-allemand.

Chaque séance commence par des jeux d’échauffement qui mobilisent les étudiant·e·s et les font interagir. Souvent, l’accent est mis sur le ressenti du corps (das Körpergefühl) et l’étudiant·e apprend à définir ses émotions et à se mettre dans un autre état d’esprit pour pouvoir jouer différentes émotions.

Ensuite, les étudiant·e·s passent à l’improvisation. En général, ils et elles reçoivent des textes en allemand qu’ils et elles analysent puis jouent en improvisation en allemand.

Si cela vous intéresse de faire de l’improvisation théâtrale en allemand et de rencontrer d’autres étudiant·e·s du département d’études germaniques (licences et masters), n’hésitez pas à vous inscrire !

MOJ

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Bouchon Dossier numéro 18

Le Bouchon – 17 novembre 2023

Le 17 novembre de 10 h 30 à 12 h eut lieu le Bouchon de la 18ème édition de la revue des germanistes en salle B115, autour d’un brunch réunissant le comité de rédaction de la revue, mais aussi d’anciens membres des 16ème et 17ème rédactions et des étudiants de master avec leur professeure. Avant tout symbolique, puisque la remise du bouchon représente le passage d’une rédaction à une autre, cet évènement nous a permis de nous retrouver entre étudiants germanistes autour d’un buffet divers et riche, à l’image du thème de la rédaction de cette année. La remise du bouchon était un moment privilégié pour discuter en dehors des cours avec nos professeurs, mais aussi avec d’anciens étudiants des rédactions n° 16 et n° 17 ; ceux-ci nous ont partagé de précieux conseils et de multiples expériences pour parfaire la construction de la nouvelle rédaction de cette année. De plus, étant tous dans cette rédaction en troisième année d’études, le Bouchon était l’occasion de rencontrer des étudiants en master accompagnés de leur professeure qui nous ont expliqué leur formation, autour de nourriture et surtout de rires.

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Qui suis-je?

Je suis née le 29 décembre 1991 aux Lilas en Seine-Saint-Denis. J’ai grandi dans le sud de la Seine-et-Marne à la campagne.

Je suis allée au lycée à Fontainebleau, j’ai fait beaucoup de musique et lorsque j’avais quinze ans j’ai participé au programme Voltaire qui est un programme d’échange avec l’Allemagne. J’ai passé six mois à Chemnitz en Saxe. Ce séjour m’a beaucoup plu, et c’est une des raisons pour lesquelles j’ai fait de l’allemand par la suite. J’aimais bien le rythme en Allemagne, le fait qu’on aille en cours pendant quelques heures et qu’après on aille faire de la musique au conservatoire. Au lycée je participais aussi au chœur des germanistes, donc nous chantions en allemand. C’est une langue que j’ai chantée avant de la comprendre. C’est pourquoi apprendre à bien prononcer est important à mes yeux. Je crois que c’est un des aspects les plus importants en langues vivantes étrangères et on insiste assez peu là-dessus.    

Après le lycée j’ai intégré une classe préparatoire au lycée Henri IV à Paris. C’était important pour moi de conserver toutes les matières littéraires car je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire.  A la fin de mon hypokhâgne, j’ai longuement hésité à choisir ma spécialité entre l’anglais et l’allemand. J’ai finalement choisi l’allemand, tout simplement parce que j’adorais le professeur d’allemand. J’ai ensuite intégré l’ENS de Lyon à l’issue de ma prépa où j’ai commencé par faire de la recherche sur la musique. Puis, en master, j’ai commencé à travailler sur la réception de la musique sacrée en RDA et sur la figure de Bach. En M2, je suis partie en Erasmus à Dresde. J’ai fait mon mémoire sur le « Thomanerchor » de Leipzig et le « Kreuzchor » de Dresde : deux chœurs d’enfants. Par la suite, j’ai été assistante de langue dans un lycée à Chemnitz. Ça m’a beaucoup plu et c’est d’ailleurs là que j’ai décidé que je voulais enseigner.

Quand je suis rentrée en France j’ai préparé l’agrégation d’allemand. L’anglais étant aussi important pour moi, j’ai décidé de faire deux années sabbatiques pour être jeune fille au pair à Londres. J’ai également fait un master de littérature comparée au « Trinity College » à Dublin. Après ça, je suis revenue en France et je me suis inscrite en thèse à Caen. Dans mon sujet de recherche je me suis intéressée à la biographie langagière, c’est-à-dire à la place des langues en tant qu’objet littéraire affectif, autrement dit quelle est la place des langues dans un itinéraire personnel.

Je me suis ensuite retrouvée à enseigner à l’université de Caen pendant trois ans. L’année suivante j’ai enseigné à des grands débutants en allemand à l’université Gustave Eiffel à Champs-sur-Marne. Et puis l’année d’après, je suis arrivée à la Sorbonne-Nouvelle. C’est donc la première année où j’enseigne la littérature allemande et la littérature comparée dans cette université. Je me prépare aussi au CAPES et à l’agrégation.

Pour ce qui est de mes travaux de recherche actuels, j’ai publié un ouvrage sur l’enfant plurilingue en littérature. J’organise également un séminaire dans le cadre du congrès de l’association américaine de littérature comparée à Montréal au Québec. Je suis contente car j’ai reçu des propositions de chercheurs du monde entier qui travaillent sur le mélange des langues dans le récit de soi. 

En ce qui concerne mes loisirs, je continue de chanter à la chorale. Sinon je joue du piano et je suis engagée dans des associations dans le domaine de la protection de l’enfance car ça me tient à cœur. J’aime aussi beaucoup les chats, j’en ai plein, et comme j’ai la chance d’habiter à la campagne, ils peuvent entrer et sortir comme ils le souhaitent.

Enfin, ce qui me plaît à la Sorbonne-Nouvelle c’est de pouvoir mêler l’enseignement et la recherche. C’est aussi la première fois qu’on me propose de faire des cours sur mes sujets de recherche. Ce que j’aime également, c’est que les collègues parlent de recherche entre eux. Je trouve aussi que les gens ici ne se prennent pas trop au sérieux, tout en étant quand même très intéressants et curieux. Voilà, je pense que le mot-clé c’est la curiosité. En matière de recherche c’est très novateur et il y a une dimension internationale qui est très importante aussi. 
ANL, MXP et ISV

Revue n°17

Chaque année, la rubrique “qui suis-je” nous réserve une devinette des plus sympathiques.

A vous de jouer ! Jetzt sind sie dran !

Je suis née en Normandie dans la petite ville d’Alençon, dans l’Orne en 1975. J’ai commencé l’allemand de façon assez classique en 6e  : c’était ma LV1. C’était pour mes parents la façon d’être dans la bonne classe du collège. C’était plutôt par hasard donc, mais j’en ai fait jusqu’au bac, en 1992. 

Au début, l’allemand n’était pas du tout une vocation. J’ai eu un professeur d’allemand au lycée qui nous faisait travailler surtout avec des phrases à traduire, cela manquait de vivant. Je me souviens particulièrement de la chute du mur : j’étais en classe de seconde en novembre 89, on n’en a quasiment pas parlé, on a juste continué la grammaire, les traductions, comme si de rien n’était. Je me suis dit que c’était bizarre d’enseigner une langue vivante ainsi, alors qu’un événement planétaire avait lieu dans le pays dont on apprenait la langue. A l’époque, je n’étais pas très motivée, c’était vraiment très vieux jeu comme méthode d’enseignement. 

Après le bac, je suis venue à Paris en hypokhâgne au lycée Lakanal à Sceaux. C’est là que j’ai  eu une prof d’allemand incroyable, Madame Lafond, que je n’oublierai jamais, qui m’a fait apprécier l’allemand à sa juste valeur. En khâgne, j’ai choisi l’allemand comme spécialité ; j’ai fait deux khâgnes : une au lycée Lakanal et une autre au lycée Henri IV où j’ai décidé de continuer l’allemand. Je suis entrée après à l’ENS, l’Ecole Normal Supérieure par le concours en science sociale et en parallèle,  j’ai fait Sciences Po Paris. Mon projet était de travailler pour la Commission européenne et j’ai continué l’allemand dans cet esprit.

Pendant mes études, je suis partie un an à Leipzig de 1997 à 1998. C’est une année qui m’a beaucoup marquée. Pas très longtemps après la réunification, il y avait encore beaucoup de traces de la RDA, et j’ai beaucoup aimé parler avec les gens de leurs expériences et de leur quotidien. Tout ça n’avait rien avoir avec ce qu’ on m’avait appris dans les livres d’histoire sur la RDA. Les cours étaient très riches. J’étais en plus étudiante en échange avec l’ENS donc je pouvais choisir les cours que je voulais : en science politique, en sociologie et plein d’autres matières. Ça m’a donné envie de faire de la recherche sur la RDA, sur la suite des évènements et les mécanismes de transition. Quand je suis rentrée de Leipzig, j’ai passé l’agrégation. 

Ce qui m’a motivé à être professeure c’est la double dimension d’enseignant en France : être professeur va de pair avec la recherche. J’avais déjà commencé à donner des cours particuliers de français en Allemagne, à Erfurt. J’aimais aussi expliquer et transmettre.

Je n’ai jamais cessé d’être liée d’une façon ou d’une autre à la Sorbonne Nouvelle comme étudiante, même quand j’étais en hypokhâgne. J’y ai fait mon DEA et ma thèse, puis j’ai été recrutée comme assistante en AMN (c’est un contrat doctoral et ensuite comme maître de conférences). 

Avant d’être professeure et de faire de la recherche, j’avais fait des stages : un stage au conseil de l’Europe à Strasbourg pendant 3 mois. Mais c’était très administratif et le rôle du conseil de l’Europe est d’abord consultatif. Je ne voyais pas assez le résultat et me suis tournée vers un autre domaine. J’ai également un stage TV5 Monde car je voulais voir comment les médias fonctionnaient. C’était plus intéressant, mais l’information était maniée de façon trop légère à mon goût. Creuser les choses en profondeur ne me correspondait plus.

Actuellement, je suis maître de conférences à la Sorbonne Nouvelle. Je dirige le département d’études germaniques depuis septembre : ça implique l’enseignement, la recherche et pas mal de tâches administratives diverses comme s’occuper des liens avec les autres départements. Et en parallèle je fais passer le concours de l’agrégation. 

En tant que professeure, j’enseigne surtout l’histoire de l’Allemagne, la civilisation allemande au XXe siècle et au XXIe siècle. J’enseigne aussi la traduction et l’actualité dans le master de journalisme de transnationale et en master MEEF pour préparer les étudiants aux métiers d’enseignements. J’ai aussi enseigné un court moment à Paris 12, j’ai enseigné à la fac en Allemagne à Erfurt mais c’est plutôt quand même l’exception. J’enseigne très peu en dehors. 

J’ai choisi ces spécialités d’enseignements car l’histoire peut se raconter de différentes façons. Quand j’étais à Leipzig on se concentrait plus sur l’histoire des pratiques sociales, une égalité femme-homme pensée différemment. Les sujets sont très diversifiés. J’avais envie d’apporter ma pierre, le travail en archive ne me fait pas peur, ça me plait même.

En tant que chercheuse, j’ai publié plusieurs articles, des monographies. Je suis en train de préparer une publication sur les institutions de RDA et dont une, la maison berlinoise du travail culturel. Elle s’occupait d’organiser les collectifs artistiques dans les entreprises car l’art ouvrier était très encouragé en RDA. J’ai aussi publié récemment un ouvrage bien plus général en Allemagne qui s’appelle la RDA après la RDA. C’est une recherche sur la RDA aujourd’hui dans les mémoires familiales, dans la littérature, dans les romans, des récits de vie autobiographiques, biographiques. Ce qui est sûr, c’est que je ne changerais pas de métier de si tôt. 

A propos du sujet de la revue, on voit des côtés positifs. Je fais partie du comité de rédaction d’une revue, on peut se connecter à distance pour la réunion. Certaines réunions, comme en hybride, sont très pratiques, on est plus nombreux à chaque fois. D’un autre côté, je sens une grande saturation des cours en distanciel avec certains étudiants derrière l’écran. J’ai réalisé que le métier d’enseignant ne se portait pas au distanciel. Ça change la nature de l’enseignement. On peut bien sûr enregistrer des cours et les étudiants écoutent chez eux mais ça ne pourra remplacer jamais quoique ce soit, c’est juste un complément. Les inconvénients sont beaucoup plus lourds que les avantages. 

Quant au phénomène de FOMO, ça me concerne indirectement, je vois ça chez mes enfants adolescents. Personnellement, je n’ai pas peur de rater des choses : je suis sur les réseaux sociaux, j’ai un compte Instagram et un compte Facebook mais j’utilise ces réseaux sociaux qu’avec les gens que je connais dans la vraie vie. Ce n’est pas l’utilisation classique des réseaux sociaux. Mais mes enfants ont du mal comme tous ceux de leurs générations à quitter les écrans. Il y a une addiction très forte et j’essaie de lutter comme je peux mais de façon peu convaincante. On a beau savoir que ce sont des algorithmes faits pour rendre addicts, la machine a une emprise très forte : elle est faite pour ça, et le recul n’est pas très grand. Comme je suis d’une génération plus ancienne ça ne me concerne moins directement, c’est surtout par l’intermédiaire de mes enfants que je vis ça.  

Avec toutes les infos que je vous ai données, trouver qui je suis n’est plus qu’un jeu d’enfant. 

CN, JQG

Revue N°16

Nous vous retrouvons une nouvelle fois pour l’incontournable rubrique du Qui suis-je ? Dans le contexte actuel, chacun aspire à une sortie de crise différente et à un monde d’après utopique. Notre mystérieux qui suis-je en fait partie lui aussi. Un seul mystère à élucider dans ce numéro, détectives à vous de jouer ! Viel Spaß! Je suis née en France en 1972, donc je ne suis pas de nationalité allemande mais mon intérêt pour cette langue est grand. Mon histoire avec l’allemand commence en collège, au départ ce n’est pas le grand amour. Ma mère travaillait dans une entreprise allemande et avait commencé́ à prendre des cours du soir en allemand, elle m’a donc conseillé de choisir allemand au collège de sorte à pouvoir m’aider. J’étais très bonne élève et à cette époque on prenait allemand quand on était bon, alors pourquoi pas. Les débuts ont été difficiles… Les trois premières leçons étaient orales et sans texte, pour faire simple je ne comprenais absolument rien. Je me souviens d’une écoute qui parlait d’un père qui perdait sa pipe, sa fille Gisela la retrouva et le père disait « das ist aber nett von dir », et moi ce que je comprenais c’était « savonnette ». Au lycée toujours pas de coup de foudre, on peut même dire que ça empire quelque peu : pendant 3 ans j’ai la même professeure, elle est la caricature de la professeure d’allemand sévère et axée sur la grammaire. Mais finalement ça m’a aidé à comprendre comment la langue fonctionnait, j’ai mieux compris la structure de la langue, donc avec le recul je suis contente ! Après le lycée direction la classe préparatoire, mais ce que je voulais vraiment faire c’était de l’histoire- géographie. J’en ai parlé à un professeur de prépa duquel je respectais l’avis, et il m’a dit que ce n’était pas une excellente idée. Alors vu que j’étais forte en allemand et que j’avais découvert la traduction en classe préparatoire, je me suis dis que j’allais tenter ma chance en allemand : mission accomplie puisque je réussis mon deuxième essai au concours de l’ENS en 1993. J’ai toujours voulu être professeure depuis l’enfance, je me souviens encore de positionner mes poupées devant moi et de leur donner cours dans ma chambre. J’ai toujours aimé apprendre et j’étais curieuse. Alors on peut dire qu’aujourd’hui j’ai atteint mon objectif, je donne entre autres des cours de traduction à la Sorbonne Nouvelle et je suis aussi bien linguiste de l’allemand que du français. Et ce n’est pas tout ! Le contact avec autrui qui me plaît tant, je le retrouve lui aussi avec les étudiants et les collègues de travail. Je touche donc à tous les domaines qui m’intéressent : la traduction et le contact avec les autres, mais aussi les responsabilités, l’administratif, l’enseignement, la recherche. Mais avant tout ça j’ai connu un parcours qui n’était pas linéaire, je suis passée par une licence, un master, deux DEA, une thèse en étant normalienne, je me suis arrêtée une année pour des raisons de santé, j’ai été un moment élève à l’ENS alors que j’avais déjà mes deux DEA, j’ai commencé ma thèse assez tard, j’ai envisagé un moment de faire sciencepo, j’ai tenté deux fois l’ENA,… J’ai même été deux ans assistante de langue française en Autriche, c’était une super expérience ! L’Autriche est encore rurale et attachée aux traditions, alors ils faisaient beaucoup la fête et m’emmenaient partout parce que j’étais la petite française ! Bon ça n’a pas été tout rose, l’inconvénient c’étaient les dialectes. Petite anecdote, je logeais chez la secrétaire de l’établissement où j’enseignais, un jour elle n’était pas là et arrive un ramoneur qui ne parait que le dialecte… Je ne comprenais rien, je lui ai demandé gentiment de répéter plusieurs fois mais impossible de comprendre quoi que ce soit. Je lui ai expliqué que j’étais pressée et je suis partie dans ma voiture où j’ai fondu en larmes me disant que jamais je n’allais y arriver, que je ne comprenais rien. Pareil lorsque je sortais avec des collègues, en début de soirée ils parlaient allemand mais plus on avançait dans la soirée plus ils se mettaient à parler leurs dialectes et je ne comprenais plus rien. De plus, là bas tout le monde à un dialecte différent c’est fou. Mais dans l’ensemble c’était une très bonne expérience, je ne regrette pas du tout au contraire. Le gros point fort c’est que des collègues m’ont trouvé sympathique et studieuse, et pendant qu’elles corrigeaient leurs copies elles me laissaient donner réellement cours à leurs classes ! Ça m’a beaucoup servi puisqu’à l’époque il n’y avait pas de formations pour les enseignants- chercheurs, on sautait tout de suite dans le grand bain en donnant cours sans avoir pu vraiment s’y préparer en quelques sortes. En bref malgré le fait que j’ai essayé plusieurs fois de changer de direction, j’en suis toujours revenu à mon rêve d’enfant. Finalement je ne me voyais pas travailler ailleurs que dans la fonction publique. Je pense que j’ai trouvé ce qui me convient !

Je connais bien la Sorbonne Nouvelle maintenant, j’ai d’abord fait ma thèse ici pendant 5 ans en tant que fonctionnaire stagiaire. D’ailleurs j’ai été la première doctorante de Mme Behr ! Elle découvrait ce que c’était d’encadrer une thèse et moi je découvrais ce que c’était d’en écrire une ! Je connais donc l’endroit depuis une vingtaine d’années, j’y suis attachée, ce qui peut aussi expliquer mes différents engagements dans la fac. Pourtant je n’ai pas connu que la Sorbonne Nouvelle, j’ai aussi été un an à Nancy, deux ans à Reims et une année à Paris Diderot, avant de revenir ici. J’ai donc pu voir comment fonctionnaient d’autres universités. Mais l’ambiance familiale que je connais ici, je ne la retrouverai pas ailleurs. Pareil pour la qualité de travail ! Puis on m’a proposé le poste de Vice-présidente du Développement durable et de la Qualité de vie au travail et j’ai accepté́ . Ce poste porte sur les questions de développement durable, responsabilité sociale ou sociétale; l’idée est de verdir les conditions de travail et l’environnement. Je m’occupe également de la labélisation du nouveau campus à Nation, construit selon des normes « haute qualité environnementales ». Je suis réellement épanouie dans mon travail, en aucun cas je ne souhaiterais quitter mes postes ou changer de lieu de travail, l’ambiance familiale et joviale de l’ancien campus d’Asnières est toujours présente et les liens forts qui se sont tissés au fil des années font parties des choses qui me rattachent à l’Université. J’ai également été directrice du département pendant deux ans et j’ai cédé ma place à Mme Lauterwein en 2019. Le poste change régulièrement d’occupant pour que tout le monde puisse occuper la fonction à un moment. Cela permet de mieux comprendre l’université et de rencontrer d’autres personnes, sinon on peut facilement se retrouver isolé. Comment j’imagine cette possible sortie de crise ? Dans un monde utopique, j’aimerais me réveiller en me disant que ce n’était qu’un mauvais rêve et que tout redevienne normal. J’aimerai en réalité pouvoir appuyer sur un bouton et que tout s’arrête. Ce que je ne souhaite pas retrouver dans mon monde utopique, c’est la circulation et les façons de se déplacer d’avant la crise. Les pistes cyclables se sont également développées et je trouve ça vraiment bien, ça me rappelle l’Allemagne. Ce qui est des choses que je souhaite retrouver, les pauses café et les discussions après les cours et les réunions en présentiel. Je suis une femme passionnée et passionnante Maintenant c’est à vous de deviner qui je suis… JKR, EEN

Revue n°15

La pandémie rend parfois généreux. Nous avons commencé l’année avec deux rédactions, une bleue et une orange, et aucune des deux ne se voyait faire l’impasse sur la rubrique du Qui suis-je ?. Les rédactions ont certes fusionné ensuite, lors de la période du travail à distance. Mais nous ne sommes pas revenus sur le dédoublement de la rubrique. Vous aurez donc dans ce numéro deux énigmes à élucider. Viel Spaß! QUI SOMMES-NOUS ? Née en 1969, ni en France, ni en Allemagne, mes parents ont zigzagué entre des régions germanophones et francophones. C’est pourquoi je suis bilingue et que j’ai connu 12 systèmes scolaires successifs. Enfant, je voulais devenir soit institutrice, soit agricultrice biologique. On peut dire que l’un de ces objectifs est presque atteint. À Münster, en Westphalie, j’ai fini par passer un Abibac dans un lycée franco[1]allemand. C’est dans la même ville que j’ai également commencé des études de philosophie, de germanistique et de sociologie. À l’époque, le système voulait que tous les étudiants de tous les niveaux suivent les séminaires ensemble. C’était très impressionnant et cela me plaisait beaucoup. A Paris, j’ai d’abord fait une école de journalisme, puis une maîtrise franco-allemande à la Sorbonne Nouvelle. Je me souviens bien d’une pièce de théâtre que nous avions montée avec d’autres étudiant.e.s, une comédie musicale écrite et réalisée, en marge des cours. C’était une pièce bilingue qui avait pour titre « Pourquoi faire simple, quand on peut faire franco-allemand » ! Nous avons ensuite pu jouer dans un petit théâtre parisien. Les arts plastiques sont une autre de mes passions, raison pour laquelle j’ai poursuivi une formation artistique et d’histoire de l’art en même temps. Au total j’aurai mis 9 ans pour finir ma thèse ! Je ne le regrette pas, car ce temps était nécessaire pour l’incubation de ma recherche. Et puis j’ai fini par en tirer trois livres. J’ai longtemps poursuivi des activités artistiques et journalistiques en parallèle, mais je suis heureuse aujourd’hui d’avoir finalement choisi l’enseignement. C’est un métier qui a du sens. Après y avoir étudié, j’ai eu la chance d’enseigner à la Sorbonne Nouvelle dès la fin des années 1990, en tant qu’ATER, plus tard j’ai été titularisée. C’était en 2010. À l’époque, le département d’études germaniques était encore un institut situé en proche banlieue, dans la ville d’Asnières. L’atmosphère entre étudiants et professeurs était très conviviale. Le bâtiment, un préfabriqué des années 1970, était entouré d’espaces verts, avec des rosiers, des magnolias. En été, on y faisait même des barbecues ! Nous n’avions pas de problèmes de salles et d’emplois du temps, il y avait de la place pour tout le monde. Au moment de quitter Asnières en juin 2012, nous avons organisé une fête avec les étudiants et fondé l’Association alumni Pierre Bertaux. Nous devons le nom de notre revue, asnieres-a-censier, à une citation tirée d’un discours de Valérie Robert, qui était alors directrice. Tout comme l’université de Vincennes s’est installée à Saint[1]Denis en espérant qu’elle garderait son âme rebelle (d’où l’expression « Vincennes à Saint-Denis »), nous nous sommes jurés de garder l’esprit d’Asnières en arrivant à Censier. Après l’emménagement dans le Quartier Latin, l’identité presque familiale du département a été un peu dissoute dans la masse, il faut l’avouer, même si en rejoignant Censier notre offre de cours s’est aussi beaucoup diversifiée. Aujourd’hui, ce que je préfère enseigner, c’est la poésie du 20e siècle, l’histoire de l’art, les problèmes posés par l’intermédialité et l’interculturalité. J’apprécie beaucoup le travail et les échanges avec les étudiants, et j’espère qu’ils et elles garderont un bon souvenir de leurs études malgré les conditions très particulières de la pandémie. Qui suis-je ?
Propos recueillis par LB

Je suis arrivée en France avec mes parents en hiver 1986. Venant d’un pays du Sud, je restais bouche bée face à la neige toute blanche et glaciale qui couvrait les rues de Paris. Je n’avais à l’époque que six ans, c’était donc une période assez courte que j’avais passé dans mon pays natal. Quand j’y voyage maintenant, c’est plutôt en touriste. J’ai toujours été intéressée par la pédagogie et la formation, ce qui m’a assez tôt amenée à m’engager dans ces domaines. À l’école, dans le cadre des tutorats, j’aidais les petits qui étaient dans leur première année de collège. Étudiante, je donnais des cours à des collégiens. De plus, j’ai réalisé plusieurs missions de bénévolat auprès de jeunes adolescents ayant des handicaps physiques ainsi que mentaux. Après avoir obtenu un bac médico-social, j’ai commencé une année d’université à Nanterre. L’université gigantesque ne me plaisait pourtant pas vraiment, je m’y sentais assez perdue et j’avais envie d’être active et de me sentir utile plus vite. C’est pourquoi j’ai commencé une formation d’assistante de direction. La formation achevée, je travaillais dans des domaines très différents comme par exemple dans la protection de l’enfance ainsi que dans la formation professionnelle. Il va sans dire que l’ambiance de travail dans un foyer éducatif n’est pas du tout comparable à celle dans une entreprise. Du monde de l’entreprise, je me suis pourtant assez vite éloignée. Le contact humain et l’aspect pédagogique qui m’inspirent et dont j’ai besoin afin d’être bien dans mon travail m’y manquaient. En 2012, j’ai postulé à un poste d’assistante de direction aux ressources humaines à la Sorbonne Nouvelle. J’ai finalement obtenu un poste au département d’études germaniques, qui était dans un grand désarroi administratif. Aujourd’hui j’en suis très heureuse, j’apprécie avant tout la dimension humaine du département et l’ambiance familière rendant le travail agréable. Au département, je suis responsable du suivi et de l’accompagnement des étudiants dans leurs études, c’est-à-dire des inscriptions, de la gestion des notes, des emplois du temps et du suivi et de la transmission des informations. La gestion des enseignants et la formation des nouveaux collègues entrent également dans mon domaine de compétences. Mon engagement n’est toutefois pas limité au seul département d’études germaniques. En tant qu’élue et membre du bureau de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU), je travaille dans celui des conseils centraux de l’université qui décide des grandes orientations pédagogiques de notre université. Maintenant c’est à vous de deviner ! Qui suis-je ?
Propos recueilli par EK

Revue n°12

Depuis mon adolescence, je m’oriente vers un parcours universitaire. Je suis sûr de ma volonté : je souhaite devenir chercheur – mais certainement pas en littérature, histoire ou politique.
Né dans une famille allemande très francophile, je porte un vif intérêt à l’histoire française, surtout après avoir lu le roman Tignasse, un livre de littérature jeunesse de l’auteure Cili Wethekam sur la Révolution Française. Mais je n’aime pas rédiger des dissertations ou des comptes rendus. C’est plutôt la chimie qui me fascine : cette pure logique des formules
dans les livres et ces expériences en laboratoire. Cependant, comme souvent, ce sont les professeurs qui ont une influence déterminante sur le parcours et qui font évoluer les préférences personnelles : pour moi ce sont un professeur de chimie très autoritaire et un
professeur d’allemand et d’histoire très engagé qui me passionne pour la République de Weimar et la littérature aux XVIIIème et XIXème siècles. C’est lui qui me confronte au national-socialisme et m’incite à trouver une réponse aux questions centrales de l’histoire allemande contemporaine.
Après mon service civique comme conducteur ambulancier, j’étudie donc les littératures allemande et française ainsi que l’histoire franco-allemande aux universités de Wuppertal et de Münster. Quand je porte un regard sur ce passé, je pense que l’opportunité d’aller en
France en tant qu’assistant de langue étrangère a également joué un rôle essentiel. Ce programme offre une expérience très enrichissante, que je ne peux que conseiller. Ce n’est qu’avec cette expérience que le cinéma français, les bandes dessinées franco-belges et surtout
la chanson française me sont devenues familiers. J’ai encore des souvenirs vifs d’un concert de Léo Ferré, dont j’ai acheté après tous les disques.
Cependant, à mon retour de France, les choses deviennent sérieuses. Après mon master, un professeur d’histoire contemporaine me propose un poste de chercheur à l’Université de Münster et de m’inscrire au doctorat. En 1996, j’obtiens le doctorat (avec une thèse sur
l’histoire de la RDA) et en 2004, l’habilitation à diriger des recherches (avec un travail sur le Second Empire allemand). Ensuite, j’enseigne l’histoire contemporaine européenne à Münster, à l’Université de Californie à San Diego et à l’Université de Fribourg en Allemagne. Depuis 2013 enfin, j’enseigne à la Sorbonne Nouvelle. Qui suis-je?

Revue n°11

Passionné par les concepts de nation et de mémoire en Europe centrale et orientale, j’ai appris au travers de mes nombreux voyages et de ma carrière universitaire à déconstruire les stéréotypes et à comprendre la notion d’interculturalité. La chute du mur de Berlin en 1989 a été pour moi un événement marquant, qui m’a permis de découvrir cette « autre Europe », zone pleine de mystère. Je suis né en 1974 à Arras dans le Pas-de-Calais, dans une famille aussi peu germanophone que possible, et cela m’a semblé être une bonne raison pour faire de l’allemand. Dès le collège, j’ai participé à des échanges scolaires : la ville où j’habitais à l’époque, Vanves (dans les Hauts-de-Seine), était jumelée avec Lehrte près d’Hanovre. N’étant pas sûr de mon orientation professionnelle après le bac, je me suis tourné vers un Diplôme d’Études Universitaires Générales (DEUG) d’allemand. Durant mon passage à Asnières en 1992, j’ai obtenu une bourse me permettant d’aller étudier à Tübingen l’année suivante. Les cours passionnants proposés par l’université et l’expérience d’un séjour de 6 mois en Allemagne m’ont convaincu de prolonger mes études à l’étranger. J’ai alors obtenu une bourse Erasmus qui m’a permis de faire ma troisième année à Graz, choisissant cette ville pour découvrir l’Autriche et me rapprocher de l’ancien bloc de l’est. A côté de l’université, je profitais de cette localisation « stratégique » pour entreprendre de nombreux voyages – en stop, en bus, en train – vers l’Est : Hongrie, Slovénie, Croatie, Roumanie, Slovaquie, etc. Faire le lien entre la culture germanophone découverte en Allemagne et en Autriche et celle des pays d’Europe centrale et orientale m’intéressait beaucoup. J’ai fait à l’été 1994 mon premier grand voyage, de Prague à Damas. Je recevais un accueil très chaleureux dans chaque pays, où l’on me mettait pourtant en garde contre tous les brigands des pays voisins ! Ces idées reçues se sont toujours révélées fausses, et cela m’a donné une compréhension profonde, par l’expérience, de ce qu’est l’interculturalité, et de la nécessité de déconstruire les stéréotypes nationaux. Toutes ces notions acquises sur le terrain, je les ai ensuite consolidées par des connaissances universitaires, mais ces voyages furent pour moi très formateurs. J’ai donc prolongé mon séjour à Graz en quatrième année avec un poste d’assistant, et ne suis rentré en France qu’après toutes ces années en milieu germanophone, l’esprit rempli d’idées et de projets de recherche. Seulement, j’appris à mon retour qu’il était nécessaire que je passe l’agrégation pour faire de la recherche. Après deux ans de préparation, je l’obtint en 1998. J’ai ensuite enseigné pendant deux ans dans le secondaire, mais me suis rendu compte que je préférais reprendre la recherche et enseigner dans le supérieur. L’année suivante, j’obtins une bourse pour entamer une thèse. Je voulais allier réflexion sur les politiques mémorielles, avec lesquelles je m’étais déjà familiarisé durant mon mémoire de maîtrise, et mon intérêt pour l’Europe centrale et orientale. J’ai soutenu cette thèse en 2006, elle s’intitulait « Les frontières du dicible : les Saxons de Transylvanie et la Seconde Guerre Mondiale ». En parallèle de ma thèse, j’avais travaillé en tant qu’ATER à l’Institut d’études européennes de Paris 8, ce qui m’avait permis d’élargir mon domaine d’études aux thématiques de la 13 construction nationale en général. Juste après ma soutenance, j’ai été recruté comme maître de conférences à l’université de Reims, et après quelques années d’enseignement en ChampagneArdennes, j’ai été recruté à Paris 3, où j’enseigne depuis. A côté de cette carrière très académique, j’ai développé depuis mes années d’études en Allemagne et en Autriche une importante activité musicale en tant que chanteur. Ces deux parcours mobilisent des ressources très différentes mais elles se complètent et peuvent aussi se rencontrer – j’initie depuis deux ans les étudiants préparant les concours dans notre département aux techniques de respiration et de placement de voix pour les préparer à la fois aux oraux et à leur future activité d’enseignant. dad, canPassionné par les concepts de nation et de mémoire en Europe centrale et orientale, j’ai appris au travers de mes nombreux voyages et de ma carrière universitaire à déconstruire les stéréotypes et à comprendre la notion d’interculturalité. La chute du mur de Berlin en 1989 a été pour moi un événement marquant, qui m’a permis de découvrir cette « autre Europe », zone pleine de mystère. Je suis né en 1974 à Arras dans le Pas-de-Calais, dans une famille aussi peu germanophone que possible, et cela m’a semblé être une bonne raison pour faire de l’allemand. Dès le collège, j’ai participé à des échanges scolaires : la ville où j’habitais à l’époque, Vanves (dans les Hauts-de-Seine), était jumelée avec Lehrte près d’Hanovre. N’étant pas sûr de mon orientation professionnelle après le bac, je me suis tourné vers un Diplôme d’Études Universitaires Générales (DEUG) d’allemand. Durant mon passage à Asnières en 1992, j’ai obtenu une bourse me permettant d’aller étudier à Tübingen l’année suivante. Les cours passionnants proposés par l’université et l’expérience d’un séjour de 6 mois en Allemagne m’ont convaincu de prolonger mes études à l’étranger. J’ai alors obtenu une bourse Erasmus qui m’a permis de faire ma troisième année à Graz, choisissant cette ville pour découvrir l’Autriche et me rapprocher de l’ancien bloc de l’est. A côté de l’université, je profitais de cette localisation « stratégique » pour entreprendre de nombreux voyages – en stop, en bus, en train – vers l’Est : Hongrie, Slovénie, Croatie, Roumanie, Slovaquie, etc. Faire le lien entre la culture germanophone découverte en Allemagne et en Autriche et celle des pays d’Europe centrale et orientale m’intéressait beaucoup. J’ai fait à l’été 1994 mon premier grand voyage, de Prague à Damas. Je recevais un accueil très chaleureux dans chaque pays, où l’on me mettait pourtant en garde contre tous les brigands des pays voisins ! Ces idées reçues se sont toujours révélées fausses, et cela m’a donné une compréhension profonde, par l’expérience, de ce qu’est l’interculturalité, et de la nécessité de déconstruire les stéréotypes nationaux. Toutes ces notions acquises sur le terrain, je les ai ensuite consolidées par des connaissances universitaires, mais ces voyages furent pour moi très formateurs. J’ai donc prolongé mon séjour à Graz en quatrième année avec un poste d’assistant, et ne suis rentré en France qu’après toutes ces années en milieu germanophone, l’esprit rempli d’idées et de projets de recherche. Seulement, j’appris à mon retour qu’il était nécessaire que je passe l’agrégation pour faire de la recherche. Après deux ans de préparation, je l’obtint en 1998. J’ai ensuite enseigné pendant deux ans dans le secondaire, mais me suis rendu compte que je préférais reprendre la recherche et enseigner dans le supérieur. L’année suivante, j’obtins une bourse pour entamer une thèse. Je voulais allier réflexion sur les politiques mémorielles, avec lesquelles je m’étais déjà familiarisé durant mon mémoire de maîtrise, et mon intérêt pour l’Europe centrale et orientale. J’ai soutenu cette thèse en 2006, elle s’intitulait « Les frontières du dicible : les Saxons de Transylvanie et la Seconde Guerre Mondiale ». En parallèle de ma thèse, j’avais travaillé en tant qu’ATER à l’Institut d’études européennes de Paris 8, ce qui m’avait permis d’élargir mon domaine d’études aux thématiques de la 13 construction nationale en général. Juste après ma soutenance, j’ai été recruté comme maître de conférences à l’université de Reims, et après quelques années d’enseignement en ChampagneArdennes, j’ai été recruté à Paris 3, où j’enseigne depuis. A côté de cette carrière très académique, j’ai développé depuis mes années d’études en Allemagne et en Autriche une importante activité musicale en tant que chanteur. Ces deux parcours mobilisent des ressources très différentes mais elles se complètent et peuvent aussi se rencontrer – j’initie depuis deux ans les étudiants préparant les concours dans notre département aux techniques de respiration et de placement de voix pour les préparer à la fois aux oraux et à leur future activité d’enseignant. dad, can

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Entrée en matière

2. Entrées en matière : à vos couverts ! 

Peut-on faire confiance au label Fairtrade ?

Devant le rayon chocolats au supermarché, on peut se trouver face à un dilemme : il y a trop de choix de chocolats. Il semble même s’agir d’un choix politique : quelle cause souhaite-t-on soutenir ? Les différents labels présents notamment dans le domaine des produits cacaotés peuvent porter à confusion. À cela s’ajoutent les doutes que l’on peut avoir sur la crédibilité de ces labels. Leurs standards suffisent-ils pour justifier un surprix du produit et garantir le bien-être des travailleur·euse·s et de l’environnement ? Les promesses faites par le label sont-elles vraiment tenues ?

Prenons l’exemple d’un des labels les plus connus : Fairtrade.

Les standards de Fairtrade se rapportent au bien-être des travailleur·euse·s et à la protection de l’environnement. Il faut que les traders, les importateur·ice·s, les industriel·le·s et les transformateur·ice·s payent un prix équitable aux producteur·ice·s, ainsi qu’une prime de développement qui est censée permettre au producteur ou à la productrice d’investir dans des conditions de travail équitables et dans une agriculture plus écologique. C’est-à-dire que le producteur ou la productrice est censé·e pouvoir adopter des techniques de production durables. Fairtrade ne certifie pas de produits génétiquement modifiés.

Une autre exigence de Fairtrade est de développer des relations de long-terme avec les producteur·ice·s pour leur accorder une garantie.

Il est intéressant d’évoquer à ce sujet le “bilan de masse” : un certain pourcentage du produit doit être certifié pour que le produit ait le droit de porter le label. Par exemple, le cacao dans une tablette de chocolat peut être certifié, mais le lait ne l’est pas. Bien sûr, l’acheteur soutient une bonne cause, mais il est important de garder cela en tête.

Pour comprendre si le label est légitime, il faut regarder de plus près son fonctionnement et notamment les liens avec FLOCERT (Fairtrade Labelling Organizations International Certification) qui est responsable de la certification de produits.

Le rôle de FLOCERT dans la labellisation est d’évaluer les candidatures et de visiter régulièrement les fermes de producteur·ice·s. Sur la durée de trois ans d’une certification, les fermes sont visitées deux fois. FLOCERT vérifie ainsi si les standards de Fairtrade sont respectés. Les entreprises intermédiaires – les traders, donc les importateur·ice·s, les industriel·le·s et les transformateur·ice·s sont de même contrôlé·e·s. FLOCERT vérifie que les quantités de produits labellisés vendues correspondent aux quantités achetées au producteur ou à la productrice, puis l’organisation vérifie que les traders font bien la différence entre produits labellisés et non-labellisés dans leurs entrepôts.

Il est difficile à dire si ces standards sont toujours respectés et si les contrôles sont toujours effectués, car Fairtrade dépend financièrement des produits labellisés.

L’organisation FLOCERT est soumise à Fairtrade mais se déclare indépendante – ce qui est confirmé par le DAkkS (le corps d’accréditation d’Allemagne). Le DAkkS déclare se financer par des frais d’évaluation et d’accréditation et par le soutien pour certaines activités du ministère de l’Economie et du Climat en Allemagne. Le corps d’accréditation déclare ne pas être orienté vers le profit.

Comment Fairtrade se finance-t-il ? D’une part par le surprix de l’acheteur et d’autre part par les frais que paient les traders et les producteur·ice·s pour l’inspection de FLOCERT et pour le droit de marque.

On peut donc avoir des doutes quant à l’indépendance de Fairtrade et de FLOCERT, car le label dépend en partie financièrement des recettes des inspections faites par le certificateur FLOCERT. 

“À but non-lucratif” laisse toujours des questions ouvertes, car la survie de l’organisation doit quand même être assurée. Est-ce donc une attestation de crédibilité ?

MOJ


Une alimentation à repenser : la place des aliments ultra-transformés en France

La France est considérée comme le pays de la gastronomie et de la cuisine authentique, cependant elle est aussi confrontée aux risques multiples d’une alimentation composée d’aliments ultra-transformés. C’est la raison pour laquelle l’obésité touche aujourd’hui dans notre pays 17 % de la population, soit 8 millions de personnes. Ce qui est nouveau, c’est l’augmentation de ces données chez les jeunes, notamment chez les 6-18 ans. On impute à la mauvaise alimentation 11 % des décès en France et on estime qu’entre 30 et 35 % des calories ingérées par les adultes proviennent d’aliments ultra-transformés ; ce constat est particulièrement vrai chez les plus pauvres.  Il s’agit donc du premier facteur de risque de perte d’années de vie en bonne santé, devant le tabac et l’alcool.  De plus, depuis le début des années 2000, la santé commence à revenir au cœur de l’alimentation, c’est la raison pour laquelle les gouvernements successifs ont tenté de mettre en place des campagnes de prévention pour inciter les Français·es à mieux manger, comme par exemple « Manger cinq fruits et légumes par jour. » 

Même s’il existe déjà de nombreuses recherches scientifiques, il reste nécessaire de mettre en lumière les mécanismes sous-jacents afin de pouvoir trouver des solutions adaptées. En effet, dans ce contexte où nous avons facilement accès à une offre alimentaire diverse et variée, il est parfois difficile de s’y retrouver en tant que consommateur·ice, notamment en ce qui concerne les bons gestes à adopter pour avoir une alimentation saine. 

Quelles sont les caractéristiques de ces aliments ?

     Il est toutefois nécessaire d’établir une frontière claire entre les aliments dits « transformés », « ultra-transformés » et les aliments industriels. Cette distinction est essentielle car la plupart des aliments que nous consommons sont transformés, pour autant cela ne veut pas dire qu’ils sont nocifs pour notre santé. Les aliments transformés sont souvent bruts ou peu transformés. On peut les cuisiner afin d’augmenter leur durée de vie ou de modifier leurs qualités sensorielles. Ainsi le pain, le fromage ou encore les aliments conservés en salaison sont des aliments transformés, dans le sens où ils ont subi une transformation au cours d’un processus, les menant d’un état brut à un état plus élaboré. Au contraire, les aliments ultra-transformés ont subi d’importants procédés de transformation au cours desquels on a ajouté des additifs non nécessaires à la sécurité sanitaire du produit ou des substances industrielles, comme les plats déjà préparés. Cela permet entre autres d’améliorer la qualité sensorielle des aliments. 

Cette définition des aliments ultra-transformés établit donc une distinction claire entre les transformations dites « traditionnelles » comme la salaison, le séchage ou la fermentation, et les méthodes plus récentes issues des progrès de la science. Les aliments ultra-transformés ne se confondent pas avec les aliments industriels mais ils concernent une classe spécifique de nouveaux aliments, conçus pour être à la fois pratiques et attrayants sur le plan gustatif. On les retrouve également à des prix relativement abordables dans nos rayons de supermarchés, ce qui contribue à les rendre attrayants, en particulier dans un contexte où l’inflation est aux alentours des 5% et où le pouvoir d’achat des Français·es est fragile. Enfin, ils tendent à se substituer aux aliments moins transformés, notamment par le biais de campagnes de marketing. Par conséquent on estime qu’entre 30 et 35% des calories ingérées par les adultes en France proviennent des aliments ultra-transformés. Ces aliments sont donc plus répandus dans notre alimentation qu’on pourrait le penser.

Ont-ils un réel impact sur notre santé ?

     Si les chiffres sont assez clairs, le lien entre ce type d’alimentation et l’impact sur notre santé n’est pas si évident qu’il n’y paraît. En effet, les agences de santé publique conseillent à un homme sédentaire de consommer entre 2200 et 2600 calories par jour et pour une femme sédentaire, entre 1600 et 2000 calories par jour. Pour bien se rendre compte de l’apport nutritionnel des aliments, 20 grammes de chocolat noir correspondent à 100 calories et 100 grammes de Nutella correspondent à plus de 500 calories. Si on reprend l’exemple du Nutella, il est composé à 56% de sucres et 15% d’huile de palme. On peut donc parler de calories vides, puisqu’elles n’apportent rien à l’organisme sauf des graisses saturées et du sucre, mais c’est surtout la concentration de ces éléments qui est nocive. Le fait d’être en surplus calorique, c’est-à-dire consommer plus de calories que nos besoins journaliers, est très facilement atteignable et concerne beaucoup plus de monde qu’on ne le pense. 

Comme évoqué précédemment, les aliments ultra-transformés sont très souvent hypercaloriques. C’est la raison pour laquelle la fréquence à laquelle nous les rencontrons dans nos assiettes est problématique, puisqu’ils sont trop sucrés, trop riches en graisses saturés et contiennent des additifs ; cela favorise de nombreuses maladies chroniques comme les problèmes cardio-vasculaires, l’obésité mais aussi l’augmentation du risque de cancer. La présence de ces aliments en grande quantité dans notre alimentation est d’autant plus problématique que nous passons le plus clair de notre temps assis. La sédentarité et une alimentation trop riche sont donc des facteurs aggravants pouvant entraîner des maladies.

Selon une nouvelle étude associant des chercheurs et chercheuses de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l’Université Paris 13 (Centre de recherche épidémiologie et statistique Sorbonne Paris Cité, équipe EREN), le fait d’ajouter 10 % d’aliments ultra-transformés augmenterait le risque d’attraper un cancer de 10 %. Cette étude « NutriNet-Santé » a été réalisée auprès de 105 000 français.

De 2009 à 2017, les participant·e·s à l’étude ont rempli des questionnaires en ligne sur ce qu’ils et elles mangeaient. Les chercheurs se sont intéressés aux produits ultra-transformés comme : les pains industriels, sucreries, desserts, céréales, boissons sucrées, viandes transformées (boulettes, nuggets, jambon avec additifs, etc.), mais aussi les pâtes et soupes instantanées, plats préparés surgelés ou en barquette… D’une manière générale, tout ce qui est trop éloigné du produit originel comme les soupes instantanées en poudre et les plats préparés industriels. Sur les 8 années d’étude, 2 228 cas de cancers ont été diagnostiqués et validés. Un autre problème avec ces aliments est la présence de perturbateurs endocriniens comme les pesticides dans les fruits, légumes, céréales ou d’autres substances (dioxines, PCB, métaux lourds) dans les poissons prédateurs notamment (saumon, thon …). Les polluants peuvent également provenir de l’emballage. Ce sont des substances qui altèrent la régulation hormonale de notre corps, même à très faible dose, et sont incriminées dans la survenue de cancers, hyperactivité, diabète de type 2, obésité, infertilité, etc…

Les effets de ces aliments sur notre santé sont donc visibles même s’ils ne sont pas les seuls facteurs de maladies. Ces aliments ne sont pas mauvais en eux-mêmes, mais c’est la quantité et la fréquence à laquelle on les consomme qui peut s’avérer dangereuse pour notre santé. Il ne faut pas les bannir mais simplement se rendre compte de leurs impacts sur notre santé et les consommer avec modération.

Quelques conseils et bons gestes :

     L’offre alimentaire est très diversifiée de nos jours et on peut parfois se perdre dans les rayons d’un supermarché. Il existe cependant quelques aides qui peuvent s’avérer précieuses. Tout d’abord il y a le très célèbre « nutri-score » qui permet de classer les aliments dans différentes catégories, la meilleure étant la catégorie « A » et la plus mauvaise, la « E ». Ce modèle est basé sur un score qui prend en compte, pour 100 grammes ou 100 millilitres de produit : la teneur en nutriments et aliments à favoriser comme les fibres, les protéines, les fruits à coques ou les légumes et en nutriments à limiter comme le sel, le sucre ou les acides gras saturés. C’est d’après ce modèle que l’on attribue une lettre et une couleur au produit soumis au test. Ce système a été mis en place en 2017 en France et permet déjà d’avoir un premier aperçu sur la composition d’un produit.

Il existe également une multitude d’applications qui font tout le travail à votre place et classifient les aliments comme « Yuka ». Mais cette aide ne suffit pas en elle-même, il existe d’autres gestes qui peuvent aider les consommateur·ice·s. En effet, lire la composition du produit qui doit figurer au dos de ce dernier est une bonne solution car on y retrouve, pour 100 grammes, la composition nutritionnelle, le nombre de calories contenues mais aussi les additifs qui pourraient être présents. Cela nécessite de prendre plus de temps lorsqu’on fait ses courses, mais le jeu en vaut la chandelle. 

Enfin une autre astuce qui peut paraître simple mais à laquelle beaucoup de gens ne pensent pas, c’est tout simplement d’acheter des produits bruts comme les fruits et légumes en vrac, de la viande et du poisson chez les artisans pour ceux qui en consomment et de cuisiner tout ça à la maison. Cela permet de savoir ce que l’on met dans son assiette, mais surtout de tester de nouvelles recettes. Cependant, cette façon de consommer ne convient pas forcément à tout le monde, car certaines personnes manquent de temps, d’autres d’argent. Il est possible d’acheter des produits de bonne qualité grâce aux applications comme « Too good to go ». En effet, les magasins mettent en ligne leurs invendus et il n’y a plus qu’à les réserver à bas prix.

     Une mauvaise alimentation est certes un facteur aggravant qui entraîne le plus souvent des maladies chroniques. Mais il ne faut pas oublier que d’autres facteurs aggravants très présents dans nos sociétés modernes peuvent avoir un impact sur notre santé, comme la sédentarité ou la pollution de l’air ou encore la prise de certains médicaments.

MXP

Les sources : 

-Inserm (Institution Nationale de la Santé et de la Recherche Médicale).

-Sénat : https://www.senat.fr/rap/r22-290/r22-2901.pdf

-WILLIOT Jean-Pierre, FUMEY Gilles, « Chapitre II. Transformer, conserver, commercer », dans : Jean-Pierre Williot éd., Histoire de l’alimentation. Paris cedex 14, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2021, p. 18-33. URL : https://www.cairn.info/histoire-de-l-alimentation–9782715406834-page-18.htm.

https://guide-alimentaire.canada.ca/fr/recommandations-en-matiere-dalimentation-saine/limitez-consommation-aliments-hautement-transformes/ 

https://www.inrae.fr/actualites/aliments-ultra-transformes-sont-associes-risque-accru-maladies-cardiovasculaires

– Etude « NutriNet-santé »

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Farandole de desserts

6. Farandole de desserts : pour tous·tes les gourmand·es 

L’étudiant français face à la précarité, un festin d’inquiétudes

Dans ce manège de parc d’attraction qu’est la vie étudiante en France, les regards sont souvent tournés sur l’effervescence académique, les aspirations professionnelles, et les amitiés naissantes. Cependant, derrière cette façade, une zone d’ombre est présente :  celle de la précarité étudiante.
       

La flambée des prix alimentaires 

Dans les statistiques économiques post COVID, un chiffre retient particulièrement notre attention : l’inflation. Je vous renvoie ici aux données annuelles de 1991 à 2022 concernant le taux d’inflation publiées par l’INSEE. Les étudiants, non seulement, subissent une hausse des loyers mais une hausse non négligeable, pour ne pas dire révélatrice, des coûts alimentaires de base, devenant des denrées rares pour eux. Les rayons des supermarchés deviennent un lieu d’envie, de fantasmes culinaires. Albert Mathieu, le PDG de Panzani admet lors d’une entrevue au Parisien que le prix des coquillettes qui était à 76 centimes en juillet 2021 a augmenté de 38% en deux ans, soit presque 2,75€ le kg. Les étudiants n’étaient pas prêts à cela. 

L’alimentation estudiantine : entre malbouffe et sous-nutrition

La malbouffe comme solution de facilité :

Au cœur de cette crise alimentaire se trouve la tentation de la malbouffe, une compagne familière des étudiants pressés et stressés. Les repas rapides, souvent riches en sucres et en gras, deviennent des substituts alléchants pour des repas équilibrés mais chronophages. La malbouffe est satisfaisante sur le moment mais entraîne des conséquences dramatiques sur la santé des étudiants. Prix, stress, santé : voici la somme de la vie d’un étudiant. 

Sous-nutrition : une menace silencieuse

En parallèle à la malbouffe, la sous-nutrition émerge comme une menace silencieuse. Les étudiants se retrouvent parfois incapables de garantir une alimentation saine et équilibrée. Carences et repas irréguliers peuvent devenir courants, ce qui épuise mentalement et physiquement les étudiants.

Le Bio, pas une priorité pour l’étudiant : Entre rêves et réalité budgétaire

Bio ou pas Bio ? 

Le bio, souvent promu comme la fontaine de jouvence d’une alimentation saine et éthique, reste un luxe pour de nombreux étudiants. Les rayons bio des supermarchés, bien que séduisants, sont souvent synonymes de prix plus élevés. Pour l’étudiant moyen, déjà aux prises avec des dilemmes financiers, opter pour des produits bio semble être une fantaisie inaccessible. Cette réalité soulève une question essentielle : Qu’en est-il des actions publiques qui démocratiseraient l’accès au bio, voire une alimentation saine tout simplement ? 

Les alternatives abordables :

Néanmoins, il existe des alternatives. Les applications, comme Getir ou Too Good To Go, proposent des paniers de nourriture à très peu cher. Et ils peuvent obtenir, par cette même occasion, des fruits et légumes qui sont prévus d’être jetés car la date de péremption arrive bientôt ou parce que leur forme n’est pas parfaite. Mais pour vraiment arriver à nos fins, il faut qu’il y ait des collaborations entre les acteurs publics et privés pour trouver des solutions !

Vers une révolution alimentaire étudiante

L’étudiant français, entre précarité et besoins nutritionnels, se retrouve à la croisée des chemins. La question du bio mérite d’être abordée. En unissant nos efforts, il est possible de créer un environnement où chaque étudiant peut poursuivre ses rêves académiques sans sacrifier sa santé et son bien-être.

La précarité étudiante n’est pas une fin en soi, elle doit être le point de départ de débats pour un avenir alimentaire plus serein. 

ELA

Potager amateur ou autarcie alimentaire ?

L’autarcie alimentaire peut être définie simplement comme la capacité à une certaine échelle (nationale, locale) de subvenir aux besoins alimentaires d’une population, uniquement par ce que cette dernière cultive. C’est donc l’idée que les individus ne consomment que ce qu’ils produisent.

Certains utilisent le terme de “souveraineté alimentaire” qui désigne également une certaine autonomie, mais dans une moindre mesure puisqu’elle tolère les échanges, commerciaux notamment avec d’autres territoires. L’autarcie alimentaire au contraire repose sur une complète autonomie, ce qui est rendu difficile par la mondialisation. 

Dans le cadre des problématiques engendrées par le développement durable, la préfecture du département du Tarn, à savoir la ville d’Albi s’est lancée dans un projet ambitieux, celui de tendre vers une autonomie alimentaire. En effet, en 2014 la commune d’Occitanie a annoncé vouloir atteindre l’autosuffisance alimentaire en 2020. Les buts affichés par la mairie sont notamment de favoriser l’agriculture de proximité et ainsi renforcer les liens entre les producteurs et les consommateurs, mais aussi de donner accès à des produits locaux, de bonne qualité et sains à un maximum de citadins.

Le site de la mairie d’Albi rend compte des actions qui ont été réalisées et nomme par exemple la création d’un potager dans le parc Rochegude, ou encore l’entretien de jardins partagés par l’association Les Incroyables Comestibles. Par ailleurs, ce projet a permis d’aménager plus de 1000m² de jardins. La mairie d’Albi souligne le rôle clé de la « Cuisine centrale municipale » qui permet entre autres de proposer tous les mois un repas 100% local qui est ensuite distribué dans les restaurants scolaires ou autres collectivités.

Néanmoins ce projet est critiqué, considéré comme un « coup de pub » pour la ville, en raison de sa rapide médiatisation, les actions concrètes ont tardé à voir le jour. Les critiques évoquent notamment le choix de la mairie de céder des terres cultivables pour la construction d’une grande surface, ce qui ne rentre pas en adéquation avec l’idée d’une consommation locale.

Il semble donc difficile de concilier les enjeux sociaux et environnementaux avec les problématiques économiques.

En plus des initiatives collectives pour une certaine émancipation des réseaux de la grande distribution, certaines personnes entreprennent également ces démarches à une échelle plus personnelle. Dans un moment où la stabilité des ressources alimentaires paraît en danger, certains décident de passer individuellement à l’action et de commencer à développer un mode de vie autarcique. En effet, les évènements récents tels que la guerre en Ukraine ont entraîné une augmentation des cours du pétrole et de ce fait une augmentation du coût de la production agricole, ce qui rend la distribution alimentaire instable. 

L’autarcie alimentaire peut s’expliquer comme une réponse à une crise ou comme une nécessité dans certains cas mais aussi comme un choix idéologique.  Le processus d’indépendance est souvent progressif et les modes de fonctionnement sont aussi multiples que le nombre de personnes qui pratiquent l’autarcie. De plus, les degrés d’indépendance peuvent varier d’une simple indépendance alimentaire jusqu’à une totale indépendance des systèmes d’électricité et d’eau courante. 

Samuel Lewis, un paysan et artisan d’origine britannique, illustre l’une des façons de concevoir ce mode de vie particulier. Il habite depuis 30 ans à Druault, dans les Côte-d’Armor avec sa famille et consacre une grande partie de son temps à cultiver sa parcelle de quatre hectares. Il y fait pousser une grande variété d’aliments tels que des panais, des épinards, des poireaux, des blettes etc. Il peut ainsi cultiver sa propre nourriture et élaborer des plats dont il contrôle toute la chaîne de production. Cette démarche s’inscrit dans une quête de sens et du sentiment d’être capable de produire tout ce dont il a besoin pour vivre. Il conçoit sa démarche comme une sorte d’hommage à la terre et à ce qu’elle peut donner et décrit ses efforts comme un “travail en équipe entre lui et la terre”. Selon lui,  c’est le constat, réalisé lorsqu’il était assez jeune, de sa dépendance à l’argent qui l’a entraîné à avoir ce mode de vie. L’intérêt majeur de sa démarche est donc d’avoir l’assurance qu’il pourrait potentiellement se passer de tout argent dans sa vie quotidienne. Toutefois, il reconnaît qu’il lui arrive d’acheter des aliments qu’il considère comme des extras, ce qui l’éloigne d’une vision absolue de l’autarcie alimentaire. De plus, loin des préjugés selon lesquels l’autarcie irait de paire avec l’isolement et la marginalité, Samuel utilise les réseaux sociaux afin de diffuser son expérience à l’aide de graphismes réalisés par ses soins (@samueljardinierartiste). Conscient de l’importance de la transmission, il a publié un livre sur sa méthode d’agriculture traditionnelle qui a pour outils principaux la houe et la faux et qui refuse l’aide de tracteurs ou de chevaux. 

Ce rythme de vie paraît être en décalage avec la vie contemporaine, en particulier urbaine et son rapport singulier au temps est peut-être l’une des conséquences les plus marquantes de cette démarche. Cette conception personnelle du temps est décrite avec éloquence par Samuel : «La rapidité, ce n’est pas le but. Pourquoi faire vite? Qu’est-ce qu’on va faire le reste du temps? »

JEF et LOF


Tendances végétales : comparaison France – Allemagne

Quelle est la place du végétarisme et du véganisme en Allemagne et en France ?

Selon une enquête récemment publiée dans “Die Tagesschau”, 9 % des Allemands sont végétariens et 3 % se considèrent comme végan. Une personne végétarienne suit un système alimentaire qui supprime toute chair d’origine animale.

Les végans suppriment non seulement toute viande de leur alimentation, mais aussi tout produit d’origine animale comme des œufs, du lait et du beurre. Le véganisme ne se réduit pas seulement à un régime alimentaire, il inclut aussi tous produits du quotidien. Par exemple la cosmétique testée sur des animaux ou avec des ingrédients d’origine animale, ou les chaussures et canapés en cuir.

Ce sont surtout des femmes âgées de moins de 30 ans qui prennent la décision de renoncer à la viande. 41 % des Allemands sont flexitariens. Ce sont des gens qui réduisent leur consommation de viande au minimum. Selon des études réalisées en France sur le même sujet, seulement 2,2 % sont végétariens ou végans. 24 % des habitants dans l’Hexagone sont flexitariens. 

 Quelles sont les principales motivations pour une alimentation végétale ?

Les principales motivations en faveur d’un régime végétarien sont d’ordre éthique (le bien-être des animaux), écologique (protection de l’environnement) et médical.
Certaines personnes choisissent un régime végan ou végétarien pour des raisons éthiques liées au traitement des animaux. Elles peuvent être préoccupées par les conditions d’élevage intensif, l’abattage des animaux ou la souffrance animale en général.

Concernant les raisons environnementales, l’industrie de l’élevage est une source importante de pollution de l’eau, de déforestation et d’émissions de gaz à effet de serre. Les personnes qui adoptent une alimentation végétale le font souvent dans le but de réduire leur empreinte carbone et de contribuer à la préservation de l’environnement.

De plus, une alimentation végétale bien équilibrée peut préserver des maladies graves.

 Pourquoi il y a si peu de végétariens et végans en France ? 

La majorité des Français (79 %) pense qu’il est nécessaire de manger de la viande pour rester en bonne santé. La viande est souvent considérée comme un aliment nourrissant et satisfaisant, qui apporte de l’énergie et aide à la croissance et au développement musculaire. Un autre facteur qui est en faveur de la consommation de viande des Français est la culture culinaire française. Cette dernière est réputée pour ses plats à base de viande, tels que le bœuf bourguignon, le coq au vin ou le magret de canard. La viande est considérée comme un aliment de base dans de nombreux plats traditionnels français.

En outre, la viande était autrefois prestigieuse, c’était un privilège d’en manger et elle servait comme marqueur d’identité. L’ethnologue Colette Méchin remarque que manger de la charcuterie permettait de se placer au-dessus des gens qui se sont nourrissaient d’une alimentation végétale.

Aujourd’hui, la viande est un symbole de masculinité et de virilité. Ne pas consommer de la viande est considéré comme être mal nourri en France. 90 % de la population française pense que manger de la viande est compatible avec le bien-être des animaux, ce qui expliquerait aussi pourquoi il y a si peu de végétariens en France.

En Allemagne, la population est beaucoup plus critique au sujet de l’élevage à la batterie et du bien-être des animaux. On remarque également une très grande différence en termes de substitutions à la viande, au poisson ou bien aux produits laitiers. Chez les Allemands, il y a toujours des produits alternatifs et tout est quasiment végan. Au contraire, en France il est beaucoup plus difficile d’en trouver. Même si on en trouve, la diversité n’est pas grande. En Allemagne, la diversité des produits de substitution est immense, cela pourrait influencer le choix de devenir végétarien ou végan.

Au niveau des prix, il y a aussi une grande différence entre les deux pays. Acheter du tofu dans un supermarché français revient par exemple plus cher qu’acheter du tofu dans un supermarché allemand. Cela pourrait aussi jouer un rôle dans la décision de vivre végétariens ou végans. D’ailleurs, chez nos voisins, on ne remarque pas une grande différence par rapport aux prix, il y a même beaucoup de supermarchés qui ont décidé de baisser leur prix des produits végan au même prix que les produits non-végans. Par exemple un yaourt végan au même prix qu’un yaourt qui n’est pas végan.

Est-ce que le régime végétarien ou végan est bénéfique ou néfaste pour la santé ? 

La viande fournit de l’énergie sous forme d’hydrates de carbone, de protéines bien assimilables, de fer, de vitamine B12 et plus encore.

Cependant, manger trop de viande n’est pas bon pour la santé. Des nutritionnistes confirment que le régime végétarien réduit le risque de maladies cardiaques car les aliments végétaux ont une teneur faible en graisse saturée et en cholestérol. De plus, renoncer à la viande diminue le risque de diabète, et de pression artérielle trop élevée, et aide à un meilleur fonctionnement des vaisseaux sanguins. Par ailleurs, une alimentation végétarienne ou végan prévient l’obésité et certains types de cancer.

Cela est notamment démontré par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la Santé qui a même classé la viande transformée comme « cancérigène ». Tout particulièrement, la viande rouge peut avoir un impact sur la santé mentale. Une étude de chercheurs australiens et américains prouve que la consommation de la viande rouge favorise des symptômes de dépression. 

Manger de la viande d’origine biologique a donc des avantages pour la santé mais aussi des inconvénients. Il ne faut pas oublier que de nombreux végétariens et végans ont arrêté de consommer de la viande parce qu’ils sont contre l’élevage industriel, ou simplement parce qu’ils ne veulent pas qu’un animal meure pour eux, ou encore pour des raisons environnementales, etc.

Bien qu’il soit plus facile d’obtenir tous les nutriments grâce à la consommation de viande, si on investit un peu de temps à rechercher, on pourrait rapidement comprendre comment obtenir tous les nutriments avec un régime végétarien ou végan. Chacun doit prendre cette décision pour soi-même.

 HES et MRA