Catégories
Non classé

Le lien entre langue et inégalités

Une réflexion, un essai pour comprendre pourquoi le monde tourne comme tel sans vouloir prétendre trouver de bonnes réponses. Cependant, nous ne sommes condamnés ni à l’apathie ni à l’impuissance, mais nous sommes des créatures capables d’affection et d’empathie. Nous pouvons faire ce choix de réfléchir et – ayant raison ou tort – écouter l’autre pour essayer de réparer ce qui a été cassé et vivre une vie en accord avec les droits des hommes, de l’égalité, de l’antiracisme et du respect des autres. Une réflexion sur le tout et le rien – une réflexion entre langue et inégalité. 

Moi, je suis un homme, blanc, hétérosexuel, je n’ai pas de religion et je ne suis donc pas la cible de commentaires discriminatoires (genre, origine, couleur de peau, religion, orientation sexuelle). Mais il y en a plus que ça.

Depuis mon arrivée en France, je me suis demandé pourquoi je ne subissais pas autant de commentaires concernant mes origines et ma manière de vivre ou bien les mêmes préjugés concernant mes moyens financiers que d’autres immigrés dans mon entourage. J’ai aussi remarqué, que le fait que ma langue d’origine soit l’allemand faisait une différence. Il y a des attentes, il y a des présupposés qui sont différents de ceux relatifs aux autres langues. La langue maternelle et les références culturelles qui y sont associées ont sans doute des effets bien réels sur la façon de vivre quotidiennement en France. Une comparaison de mes expériences personnelles avec d’autres transmises à moi par des étudiant.e.s permet de le comprendre (écrit en italique).

Il faut premièrement noter que les inégalités liées à la langue parlée, ou la manière de parler une langue constituent toujours, pour les unes du favoritisme et pour les autres une discrimination. Par exemple, quand on entend mon accent autrichien et que je parle allemand, on s’imagine que je suis rigoureux, que je suis travailleur et donc on me choisira plus facilement pour un poste que des personnes d’autres origines.

Deuxièmement, le jugement d’une personne envers une autre est très souvent empreint de clichés entretenus par une majorité et visant une minorité, qu’ils soient amélioratifs ou péjoratifs. Cette majorité peut être définie relativement à son nombre (les francophones envers les non-francophones en France, les Allemands envers les francophones en Allemagne) ou bien en tant que pouvoir et influence culturels. On sait aujourd’hui que la France a construit des préjugés sur les pays colonisés concernant leur culture et leur langue. Ces idées continuent de se transmettre aujourd’hui entre les Français et sont majoritairement conservées à l’égard des anciennes colonies. 

Dans le même esprit, les inégalités liées à la langue parlée peuvent aussi être la manifestation d’un sentiment de supériorité. C’est notamment le cas quand le comportement des personnes change selon l’accent ou la langue parlée par leur interlocuteur, qui peuvent dévoiler son appartenance à une religion ou à une ethnicité.

Dans les communes avec un fort ressenti de nationalisme, ceci peut prendre la forme d’une acceptation (liée à la langue du pays ou à l’ethnie de la population) ou d’un rejet (quand on s’attend à ce que notre locuteur fasse partie de notre groupe, mais il se trouve qu’il ne parle pas la langue ou qu’il a un accent qui révèle ses origines étrangères).

On constate aussi que des étudiants sont confrontés à des inégalités dans leur vie au sein du système universitaire européen, quand on se concentre sur des témoignages. Quelques exemples : certains se sont entendu dire dans plusieurs pays qu’il n’existe qu’une seule version correcte d’une langue parlée (celle de l’origine (correction : la langue maternelle?) du locuteur, bien sûr). D’autres rencontrent des difficultés administratives du fait de l’absence ou du manque de visibilité d’informations dans leur langue maternelle, ou sont mal informés concernant la reconnaissance ou non d’un diplôme de langue en fonction de l’endroit où il a été obtenu, etc. 

La langue fait partie de notre identité et est révélatrice de notre milieu socio-économique. En tant que telle, elle peut même créer des différences entre des personnes du même pays, et la capacité à s’adapter en changeant sa façon de parler selon son interlocuteur reste un énorme avantage.


Langue de la bourgeoisie pour l’entretien professionnel ou le dîner en société, vocabulaire ou conjugaisons spécifiques utilisés par certaines personnes dans le but de créer un groupe exclusif et, de ce fait, d’en exclure d’autres (on pense aux langues secrètes inventées dans certaines « Grandes Écoles » comme Arts & Métiers), sont différents phénomènes que l’on peut observer dans cette perspective d’adaptation au milieu fréquenté. Je vous invite à lire L’Art de ne pas dire de Clément Viktorovitch, pour comprendre comment le sens d’un terme précis peut être contourné pour promouvoir des idées de supériorité de certains sur d’autres. 


Ce sont les mots employés qui nous font lire un texte et pas un autre, suivre une idée, écouter une personne qui parle.

La langue que nous parlons et les références culturelles ou sociales qu’on utilise dans notre discours jouent un rôle majeur quand on est jugé par quelqu’un d’autre.

Est-ce que la langue que nous parlons, le vocabulaire que nous utilisons et notre milieu socio-économique devraient créer ces différences ?
Non, bien sûr que non. Mais le dire ne suffit pas, il faut encore se rendre compte que ces différences existent et qu’elles doivent être combattues.


SL