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Les relations entre les dialectes frontaliers français et allemand 

Aujourd’hui, l’un des systèmes les plus importants, qui nous sert le plus dans notre quotidien est la communication. Comment communique-t-on ? Grâce à la langue, que ce soit à l’échelle régionale, nationale ou internationale. Mais, en parlant de l’échelle régionale, saviez-vous que parmi les 7 000 langues déjà existantes dans le monde, l’UNESCO constate que 2 500 d’entre elles sont en danger ? Parmi les 7 000, on compte des langues influentes comme l’anglais, mais aussi des langues qui ne sont parlées que par quelques dizaines de personnes, qu’on qualifie de dialectes. Et parmi celles qui sont les plus menacées, on nomme les dialectes qualifiés de langues minoritaires, en opposition avec les langues majoritaires. 

Prenons le cas particulier de l’alsacien. Saviez-vous que d’après l’OLCA (Office pour la Langue et des cultures d’Alsace et de Moselle), il y aurait une baisse d’environ 50% de la population parlant alsacien sur un siècle ? En 1900, 95% de la population le parlaient contre 61% en 2001, et le chiffre est encore en baisse. 

Une problématique fondamentale s’impose : comment le paradigme monolingue cause-t-il une diminution des locuteurs de dialectes ? On verra dans cet article les raisons et les conséquences de cela, et ce que nous pourrons faire pour les sauver. Et nous étudierons ici plus précisément le cas du dialecte au niveau de la frontière franco-allemande.  

  1. Les raisons 

Pour commencer, définissons ce qu’est le paradigme monolingue et ce qu’est la distinction entre une langue et un dialecte.

Pour faire simple, un paradigme monolingue, c’est un monde dans lequel il n’y a qu’une seule langue dans une société. Et comment distingue-t-on la langue d’un dialecte ? C’est très difficile à déterminer, car sur l’aspect linguistique, ces deux systèmes ont les mêmes caractéristiques. C’est plus différent sur le plan géographique. Une langue serait généralement utilisée à l’échelle nationale et un dialecte de manière régionale ou locale.

Pour en revenir au problème, pourquoi le nombre de locuteurs de dialectes diminue-t-il ? Nous allons étudier les raisons potentielles de cette perte et, avec cela, déceler pourquoi le nombre de locuteurs alsaciens diminue aussi.

  • Mondialisation : ce processus se définit comme une accélération des échanges entre plusieurs pays, que ce soit au niveau économique, social ou politique. Un pays qui fonctionne à l’échelle nationale devient mondial, mais pour ce faire, il faut que les pays partenaires se comprennent, il faut donc choisir une langue d’entente. Aujourd’hui, la langue internationale est l’anglais. Au lieu d’apprendre la langue de l’autre pays, il est plus facile de parler l’anglais, une langue que tout le monde est censé parler à l’échelle internationale. On voit ici donc une domination de l’anglais. 
  • Urbanisation / colonisation : L’urbanisation se définit comme la nécessité pour des populations de se déplacer vers des zones urbaines de s’adapter à la langue locale. D’autres vont même jusqu’à l’exil dans d’autres pays, donc il est impératif pour certains d’apprendre la langue du pays. La colonisation, c’est ce qu’il se passait auparavant et encore aujourd’hui, des nations qui se battent pour avoir des terres. Le colonisateur prend possession des terres, et le peuple colonisé doit donc se soumettre au colonisateur. Il y a soit un mélange de langues entre les deux peuples, soit, comme la plupart du temps, une domination de la langue du colonisateur. 
  • Stigmatisation : suite à la colonisation d’un pays, la langue dominante parlée par les colonisateurs deviendra la langue majoritaire et officielle dans la plupart des cas, ce qui mènera à la perte de la langue d’origine par la stigmatisation. Quand il y a une langue officielle, il est souvent mal vu de parler les langues minoritaires, alors les parents ne transmettent plus leur langue d’origine à leurs enfants, pour permettre aux futures générations de bien s’intégrer, ou, dans certains cas, les dialectes deviennent les cibles des stéréotypes ou sont vus comme « langues du passé », donc le nombre de locuteurs s’affaiblit.
  • Politique linguistique : qu’est-ce qu’on entend par là ? La politique linguistique impose souvent une langue majoritaire dans le pays qui est utilisée dans l’administration, pour passer les lois, pour l’éducation, pour communiquer simplement dans un pays. Une langue majoritaire est choisie au détriment des langues minoritaires parlées sur le territoire, ce qui rend l’usage des langues limité. Des locuteurs qui parlent une autre langue ne le transmettent pas aux futures générations pour qu’ils puissent s’intégrer et pour éviter certaines moqueries et discriminations, comme expliqué précédemment pour les stigmatisations.
  • Tout simplement plus de traces ? On a regroupé ici les raisons les plus évidentes, il en existe d’autres, mais il est important de rappeler que certaines langues ne se parlent qu’à l’oral ; c’était beaucoup plus répandu il y a quelques années, voire quelques siècles. Quand une langue est plus répandue à l’oral, il n’y a pas de traces à l’écrit, donc quand le nombre de locuteurs s’éteint petit à petit, il n’existe plus de traces de ces langues anciennes. 

Revenons donc à notre sujet, l’alsacien. Peut-on dire que l’alsacien disparaît? Ou que le nombre de ses locuteurs diminue? Nous avons précédemment vu que c’était le cas grâce aux observations de l’OLCA, et pour approfondir les chiffres, en 2022 les proportions des différentes tranches d’âges qui parlent alsacien ont été recensées  :

  • 9% de la population des 18-24 ans le parleraient.
  • 43% pour les personnes âgées de 45 à 54 ans. 
  • et 79% des personnes âgées de 65 ans et plus. On peut voir que plus la population est jeune, plus l’alsacien disparaît.

À votre avis, pourquoi le nombre de locuteurs de ce dialecte diminue ?

Après quelques recherches, on peut voir que c’est causé avant tout par la colonisation, la stigmatisation et un peu par la politique linguistique. 

L’Alsace a subi plusieurs changements d’État, a appartenu tantôt à l’Allemagne, tantôt à la France, etc. Avant la Seconde Guerre mondiale, il était bien vu de parler alsacien, mais la donne a changé par la suite. Un sentiment de honte était ressenti par les locuteurs de l’alsacien, qui rappelait désormais la langue allemande qui était la langue de l’ennemi, et qu’il était « chic de parler français ». Donc les anciennes générations ne le transmettent plus aux jeunes générations, pour que les plus jeunes puissent s’intégrer et ne plus être stigmatisés. 

Comme l’Alsace est finalement restée sur le territoire français, la langue de communication et surtout d’enseignement est le français, il en est resté ainsi. À l’école, il est dit que le français et l’allemand sont beaucoup plus mis en avant que le dialecte, car il est plus facile de se former et d’enseigner une langue standard, qui est largement plus parlée qu’un dialecte. Les jeunes générations ne veulent donc plus apprendre l’alsacien par eux-mêmes.

  1. Conséquences 

Plusieurs milliers de langues ou de dialectes disparaissent dans le monde pour les raisons précédemment citées. Mais tous ces bouleversements sont porteurs de conséquences.

Avant toute chose, il est important de rappeler qu’une langue est reliée à une identité et une culture uniques, avec leurs propres traditions, leur propre vision du monde. Cela veut dire que quand une langue disparaît, c’est une culture et des traditions qui disparaissent aussi. Tout cela mène aux conséquences suivantes :

  • Perte d’identité : on se construit et on se forme autour de la langue, en appartenant à une communauté. Quand les parents élèvent leur nouveau-né, tout commence avec le langage : les parents transmettent leur langue maternelle aux enfants, ce qui les construit et leur forme une identité. 
  • Savoir-faire traditionnel et ancestral : nous pouvons citer plusieurs exemples de ces savoir-faire, comme les inventions culinaires, technologiques, historiques, ou même les histoires, les mythes racontés au fil des siècles, mais aussi les différentes traditions qui se perpétuent à des moments particuliers de l’année, qui ont une signification importante. 

Tous ces aspects traditionnels et culturels disparaîtront en même temps que la langue elle-même.

La conséquence principale pour l’alsacien est évidemment la perte d’identité. 

  1. Les solutions ?

Pour faire face à ces pertes importantes, quelques solutions sont élaborées pour la conservation des langues. On peut noter que la traduction et l’interprétariat, malgré l’arrivée rapide des intelligences artificielles, ont un rôle majeur dans la conservation de ces langues. 

La traduction est le processus de traduire majoritairement d’une langue étrangère à la langue cible, notre langue maternelle, tandis que l’interprétariat est la traduction orale. 

Ces deux processus sont utiles :

  • Dans le domaine de l’apprentissage, il existe des formations de traduction et d’interprétariat pour former des spécialistes, afin que la traduction soit la plus idiomatique possible. 
  • Dans la documentation également : la traduction y joue un rôle clef. Laissant des traces écrites, cela laisse des archives conservées pour les futures générations.
  • Dans la promotion linguistique, des événements sont organisés pour promouvoir certains domaines et certaines langues, cela fait donc connaître certaines langues qui n’auraient pas autant de visibilité que d’autres. 

Dans le cas de l’alsacien, plusieurs solutions ont été mises en place :

  • Des cours sont donnés par des professeurs qui enseignent l’alsacien, que ce soit des cours du soir, des cours particuliers ou même des cours dans des établissements scolaires. Comme les parents ne le font pas, pour des raisons qui ont été expliquées juste avant, les professeurs tiennent à garder ce patrimoine culturel et identitaire pour continuer de perpétuer cette culture.
  • Une application a été créée par l’OLCA, l’application iYol.  Elle servirait à apprendre des expressions modernes de l’alsacien, mais par manque de moyens, le projet n’a pas été achevé. 

Pour conclure, nous savons que beaucoup de langues sont en danger, ce qui deviendrait un appauvrissement de l’humanité, et qu’il est important de garder ces héritages qui seraient parfois mal vus. Le plus important est de perpétuer ces traditions et ces cultures uniques, également de perpétuer les compétences linguistiques qui se développent en apprenant des dialectes ou d’autres langues. Vous connaissez les raisons, les conséquences et les solutions. À vous de jouer !

MB

Sources : 

https://1to1progress.fr/blog/2021/04/30/combien-de-langues-dans-le-monde

https://www.radiofrance.fr/franceculture/pourquoi-les-langues-disparaissent-1742671

https://www.learnlight.com/fr/articles/les-langues-en-voie-de-disparition-pourquoi-ce-phenomene

https://shs.hal.science

https://www.olcalsace.org/fr/observer-et-veiller/le-dialecte-en-chiffres

https://www.rue89strasbourg.com/conserver-dialecte-alsacien-impression-monde-sen-fout-154315